ResMusica, 20/12/2007
Laurence Le Diagon-Jacquin
 
Una italiana Clemenza
La Clemenza di Tito
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : La Clemenza di Tito, opéra seria en deux actes sur un livret de Caterino Mazzolà d’après Pietro Metastasio. Dialogues : Iso Camartin. Mise en scène : Jonathan Miller. Décors et costumes : Isabella Bywater. Lumières : Hans-Rudolf Kunz. Avec : Jonas Kaufmann, Tito ; Eva Mei, Vitellia ; Vesselina Kasarova, Sesto ; Liliana Nikiteanu, Annio ; Malin Hartelius, Servilia ; Günther Groissböck, Publio. Chœur de l’Opéra de Zurich (Chef de chœur : Ernst Raffelsberger) et Orchestre de l’Opéra de Zurich, direction : Franz Welser-Möst. Production : Jonathan Miller. Réalisation vidéo et TV : Felix Breisach. 1 DVD Emi 0946 3 77453 9 7. Live, Opéra de Zürich, juin 2005. DSD. Sous-titrage en anglais, français, allemand, italien et espagnol. Toutes zones. Durée : 124’.

La Clémence de Titus, avant-dernier opéra de Mozart, a suscité un bon nombre de commentaires sinon négatifs, du moins réservés de la part des critiques, et ce, dès sa création à cause d’une intrigue particulièrement alambiquée. Les récitatifs sont remplacés ici par des dialogues parlés d’Iso Camartin. Ils allègent un peu la partition, même si certains pourraient trouver ce parti-pris contestable. Etant donnée la complexité de l’intrigue, il nous semble être parfaitement justifié. Le livret explique d’ailleurs ce choix : « Les réserves que Mozart formula sur le tard à l’encontre du genre de l’opera seria et de sa pratique du récitatif ne sont pas un secret. On peut en conclure que c’est bel et bien sous la pression d’un travail de commande qu’il se résolut, une fois encore, à se plier aux contraintes formelles du genre. Les interventions du librettiste Mazzolà vont dans le même sens, lui qui écourta de manière considérable et ciblée le livret original. Une version dialoguée répond qui plus est au ton général globalement restreint et classicisant de La Clemenza. » Par ailleurs, de très belles arie permettent au spectateur de goûter un Mozart souvent inspiré. En témoignent les arabesques des clarinette basse et cor de basset qui répondent aux chatoyantes mélodies vocales.

Et dans cette version sous la baguette de Franz Welser-Möst, il faut le dire, cela sonne : l’orchestre tour à tour dynamique, touchant, nostalgique, espiègle donne la réplique à des interprètes très inspirés. En tête, Vesselina Kasarova, dans le rôle de Sesto, avec sa voix chaude et ronde, sait captiver l’attention par sa sensibilité et ses expressions de visage très éloquentes. Quand elle fait face à Vitellia (somptueuse Eva Mei aux vocalises raffinées !) à l’acte I, les gestes tendres et regards suggestifs aident à l’expression des sentiments, sans pour autant conduire à des attitudes excessives. Malin Hartelius incarne une Servilia émouvante tandis que Liliana Nikiteanu montre un Annio touchant. Le rôle-titre est interprété par Jonas Kaufmann avec à la fois une présence et un doute inhérent au rôle qui lui sied à merveille. La conduite de ses lignes, son sens de l’articulation et du phrasé sont véritablement superbes. Günther Groissböck n’a pas à rougir dans le rôle de Publio qu’il impose de manière affirmée et vocalement éloquente. Le chœur est également excellent et participe à la réussite musicale de cette production.

Mais si la qualité musicale est indéniable, la mise en scène très statique de Jonathan Miller pourrait apporter quelques bémols. Certes, l’émotion passe, et c’est l’essentiel. Mais peut-être aurions-nous préféré quelque chose de plus vivant et de recherché dans l’exploitation de l’espace par les personnages. Il est vrai que le décor dépouillé d’Isabella Bywater, composé d’un grand escalier central qui mène à une tour, peut sembler quelque peu restreint. Même si cet immense escalier est entouré de grandes baies vitrées, le tout baignant dans des couleurs tamisées bleue et gris tout à fait intimistes, à l’instar du feu lors de l’incendie du Capitole, très discrètement évoqué derrière ces fenêtres. Mais comme le dit notre collègue Bernard Halter : « le minimalisme, non pas des décors, mais du reste de la scénographie finit toutefois par lasser quelque peu. » Pourtant, l’idée de replacer la scène dans l’Italie des années 30, lors de la montée du fascisme, a quelque chose de judicieux. Les costumes d’Isabella Bywater sont à cet égard éloquents, que ce soient les robes du soir des héroïnes, ou les costumes globalement sombres ou habits militaires des hommes (ou rôles de travestis). D’autant que rien n’est exubérant. C’est peut-être là le problème, d’ailleurs. Les relations entre les personnages, dont la gestique et les mimiques sont très précisément définies, ne sont pas consolidées par une mise en scène qui va au bout de son concept. C’est dommage, mais pas rédhibitoire dans cette interprétation globalement de qualité.






 
 
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