Classic Toulouse, 26 septembre 2016
Robert Pénavayre
 
Un révolutionnaire de luxe : Jonas Kaufmann
André Chénier (1762-1794) meurt sur l’échafaud deux jours avant l’arrestation de Robespierre qui l’y avait envoyé. Triste fatalité pour l’un de nos plus grands poètes. Lorsque le compositeur Alfredo Franchetti (1860-1942) remet au jeune Umberto Giordano (1867-1948) un livret ayant pour héros pareil personnage, ce dernier n’hésite pas une seconde. D’autant qu’il est un peu en perte de reconnaissance…

Bien lui en prend. Il va en faire l’un des chefs d’œuvre de cette école lyrique que le temps a baptisée « vérisme ». Enorme succès ! L’opéra fait le tour du monde rapidement. Il faut dire qu’il comporte l’un des plus beaux rôles de ténor que l’on puisse imaginer et que tous les tenants de cette tessiture dans sa version « grand lyrique » ont voulu un jour aborder. Il n’est rien de dire combien les premiers pas de Jonas Kaufmann dans cet emploi étaient attendus. Il les fait au Royal Opera House Covent Garden de Londres en 2015. Diffusée en direct sur des centaines d’écran en Europe, voilà cette représentation aujourd’hui en DVD. Et l’on retrouve bien évidemment toute la fougue scénique, l’extrême engagement dramatique et la furia vocale de ce ténor entré vivant dans la légende de l’art lytique.

A vrai dire, Jonas Kaufmann a la voix idéale du rôle : phrasé expressif, voix homogène, aigus d’airain, musicalité hors norme, demi-teintes inouïes à ce jour dans cet emploi plutôt apanage de champions du décibel. Bref, un must ! Dommage qu’à ses côtés le cast ne suive pas le même chemin. Sans démériter pour autant. Ainsi en va-t-il de la Maddalena d’Eva-Maria Westbroek, à l’aise vocalement certes, mais combien éloignée de toute notion d’italianité. De même le Gérard de Zeljko Lucic semble fixer ce rôle un peu tard dans sa carrière, immense au demeurant. Rien à redire par contre sur les seconds rôles qui, ici, sont parfois la clé de scènes capitales. J’ai cité Denyce Graves, superbe Bersi, Rosalind Plowright, Contessa di Coigny et l’incroyable Elena Zilio qui ferait pleurer des pierres dans le rôle de Madelon.

Si la production de David McVicar se contente d’être illustrative, pourquoi pas après tout, la direction d’Antonio Pappano surjoue un peu la carte du spectaculaire face à l’une des plus fabuleuses phalanges de fosse de la planète.






 
 
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