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Forum Opera, 30 Avril 2015 |
Par Catherine Jordy |
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Operette, Tournee ab 15. April 2015
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Ne demandez pas pourquoi à Jonas
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Jonas Kaufmann est en tournée : du 15 avril au 20 mai 2015, il promène les
airs « légers » de son dernier disque entre Cologne, Dortmund, Stuttgart,
Hambourg, Munich, Berlin, Hanovre et Baden-Baden… Difficile d’ignorer que
l’événement est sponsorisé par BMW : on accède au Festspielhaus entre deux
superbes voitures et des écrans, à l’intérieur, diffusent un clip en boucle
où le ténor côtoie de superbes carrosseries. Le ton est donné. Toutes les
places ont été vendues et, si le public n’est pas celui qu’on croise
d’habitude, il n’est pas forcément plus jeune. C’est une salle archi-comble
qui attend avec ferveur l’arrivée de la star et patiente face à un micro (!)
pendant que le Rundfunk-Sinfonieorchester de Berlin propose la Valse de
Giuditta de Franz Lehár où l’on reconnaît le thème du « Meine Lippen, sie
küssen so heiß » (mes lèvres embrassent avec tant de flamme…). Voilà qui est
prometteur. La direction de Jochen Rieder ne manque pas de surprendre : on
est plus proche des soirées musicales proposées sur les chaînes de
télévision allemandes populaires que des interprétations nerveuses d’un
Thielemann à la tête de la Staatskapelle de Dresde ou des prestations du
Philharmonique de Vienne. On pourrait même dire que l’on traîne un peu les
pieds, quoique les percussions redonnent tout de même du punch à l’ensemble.
Jonas Kaufmann arrive, très élégant, apparemment parfaitement à l’aise,
dans un costume sobre d’esprit intemporel rehaussé d’une cravate à pois,
motif très en vogue dans les années 1920. Avant de commencer, il explique la
présence incongrue du micro et de la sonorisation, prévue pour renforcer
l’esprit du « schlager » (qu’on pourrait traduire par chanson à succès), si
cher à la culture allemande. Le micro reste devant lui pendant tout le
récital, y compris quand il n’est pas utilisé. « Rassurez-vous, il n’y a
rien de cassé », anticipe le ténor munichois, non sans humour et comme si
son public n’avait pas l’habitude de l’entendre sans amplification. Les
puristes doivent grincer des dents…
L’effet de la sonorisation est
étonnant : la voix caresse et enveloppe, comme au disque. Le chanteur joue
habilement de toutes les possibilités de ce qui magnifie ses atouts tant
admirés, et en particulier les somptueux pianissimi, mais surtout, quelque
chose de caressant et d’enjôleur flatte l’oreille. À tel point qu’on est
presque frustré lorsque l’on retrouve la voix nue, quoique quelques secondes
d’adaptation suffisent à retrouver le charme et surtout la maîtrise d’un
artiste dans la plénitude de son talent. Aigus surpuissants, ligne continue
sans le moindre écart, prononciation admirable sans défaut, articulation
parfaite pour des mots d’amour comme susurrés à l’oreille de chacun,
l’expérience auditive est des plus réjouissantes.
Mais pour qui a
écouté en boucle le CD Du bist die Welt für mich (chroniqué par Christophe
Rizoud) et visionné le DVD passionnant et très instructif qui le complète en
explorant l’importance de la chanson et de la musique allemande des années
1920 et 1930 (voir le compte rendu de Julien Marion), il est une envie
frustrée. On attend des airs favoris qui n’arrivent pas, puisque la soprano
Julia Kleiter n’est pas présente pour les duos, en particulier pour le
délicieux Diwanpüppchen et surtout le sublime extrait de Die Tote Stadt où
une sombre mélancolie doublée de Sehnsucht envahit l’auditeur. En échange,
l’orchestre nous divertit avec des ouvertures et valses pendant que le ténor
se repose la voix. Cela dit, il reste sur scène pendant que résonne la
Marche extraite de Frühjahrsparade de Robert Stolz. On aurait aimé le voir
se trémousser, danser et épater son monde dans un nouveau registre, mais il
faut se contenter d’une gestuelle sobre et minimaliste des bras, avec
cependant tout un jeu de mimiques et d’œillades complété par des sourires
ravageurs. La présence scénique se réduit ainsi au strict minimum, mais avec
une plastique et une aura pareilles, cela suffit à conquérir un public plus
ou moins acquis d’avance. Main dans la poche, décontracté, quand il s’agit
de prendre les belles qu’on désire sans demander la permission (« Gern hab’
ich die Frau’n geküsst »), timide et mains dans le dos quand il s’agit
d’implorer (« Schatz, ich bitt’ dich… »), notre fringuant jeune homme (aux
cheveux et barbe poivre et sel, tout de même) se fait tour à tour beau
ténébreux romantique, latin lover et crooner.
Après deux rappels, des
baisers envoyés vers la salle semblent annoncer la fin. Mais le ténor
revient une dernière fois pour entonner « Frag’ nicht warum ich gehe » (ne
demande pas pourquoi je m’en vais). La salle éclate de rire. Les paroles
prennent tout à coup une résonnance toute particulière, à la fois bon enfant
et cruelle puisque le texte est modifié pour la circonstance : au lieu de «
Morgen küsst dich die and’re » (demain, quelqu’un d’autre t’embrassera),
Jonas Kaufmann nous murmure « Morgen steht hier ein andrer » (demain, un
autre chantera ici à ma place). La salle est hilare. On peut n’y voir qu’un
effet facile et attendu ou une méditation ironique de la condition de
chanteur et surtout du rapport très particulier que la superstar entretient
avec son public. |
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