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Diapason, 17 juil 2019 |
Par Didier van Moere |
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Verdi: Otello, Bayerische Staatsoper, 12. Juli 2019
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Entre splendeur et misère, Otello à Munich
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Jonas Kaufmann, Anja Harteros, Gerald Finley, Kirill Petrenko : quatuor de rêve pour un Otello pesamment cérébral. |
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Etrange « Esultate » ! Dévasté par la
guerre, le vainqueur est déjà vulnérable, en rien héroïque. A quelle nuit
prélude le duo d'amour ? Directrice de l'Institut Thomas-Bernhard au
Mozarteum de Salzbourg, Amélie Niermeyer superpose deux espaces identiques,
celui d'Otello et celui de Desdémone, avec, au milieu, un lit, symbole de
l'impossible communion de deux êtres que rien ne peut plus réunir. A la fin,
la chambre blanche de Desdémone se referme : dans la sienne, tristement
grise, Otello n'embrasse qu'un rêve. Les immenses pièces du palais chypriote
sont une prison où le couple se débat en vain et que la vidéo fait parfois
tourner sur elle-même, comme si tout vacillait. C'est Shakespeare revu par
Ibsen ou Strindberg - Otello, d'ailleurs, n'est plus maure. Omniprésente,
parfois à travers son double, Desdémone aura pourtant tout essayé, rien
moins que victime passive et désignée. La mise en scène dissèque la descente
aux enfers d'une folie bonne pour l'asile : d'une précision clinique, la
direction d'acteur crée un intense moment de théâtre, où les personnages
jouent comme ils chantent.
Cet Otello fébrile et violent, hagard et
souffrant, aux gestes désordonnés, qui pourrait mieux l'incarner que le
Jonas Kaufmann d'aujourd'hui, fatigué et charbonneux, si habile dans la
gestion d'une voix qu'il conduit parfois au bord du murmure, jouant beaucoup
sur l'émission ? C'est la revanche de l'art sur la nature - le troisième
acte l'éprouve quand même beaucoup. Anja Harteros, elle, n'a nullement
besoin de se ménager, superbe par la beauté du timbre, la noblesse de la
ligne et la maîtrise du souffle, offrant un dernier acte anthologique. Mais
le plus étonnant reste le Iago de Gerald Finley, en rupture avec toute une
tradition, moins sombre qu'insidieux, subtil et ambigu, plus joueur pervers
que démon noir de mélodrame, au chant suprêmement policé, parfaitement
maître, à presque soixante ans, d'une voix qu'il sait n'être pas celle d'un
baryton Verdi.
Stupeur et tremblements : la tempête vous cloue sur
place, par sa puissance et sa clarté. Le duo d'amour, plus tard, débordera
de sensualité lumineuse. Kirill Petrenko ressuscite les grands souvenirs
d'autrefois : on n'a pas entendu cela depuis Carlos Kleiber - in loco.
L'orchestre rugit ou s'épanche, sans que le moindre détail échappe à cette
baguette dont le soin maniaque du détail, loin de tout narcissisme, ne
détend jamais les ressorts de l'implacable mécanisme tragique. Et quelle
poésie dans la pénombre du début du quatrième acte...
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