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Olyrix, Le 20/09/2018 |
Par Violette Renié |
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Liederabend, Paris, Théâtre des Champs-Elysees, 20. September 2018
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Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch subliment l’art du Lied au Théâtre des Champs-Élysées
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C'est par un programme construit avec
beaucoup d’intelligence que les deux monstres sacrés charment encore leur
public passionné :
Dans le cadre d’une grande tournée européenne (ils
étaient l'avant-veille à Bordeaux avec le même programme) et d'une
Production Les Grandes Voix, le grand ténor Jonas Kaufmann, accompagné de
son pianiste de toujours, le tout aussi grand Helmut Deutsch, s'arrête pour
un soir au Théâtre des Champs-Élysées, avec un programme aussi audacieux
qu’intelligent. Quatre immenses compositeurs de Lieder, et de grands poètes
sont ici brillamment réunis : Franz Liszt (Heinrich Heine et Goethe), Gustav
Mahler (Friedrich Rückert), Hugo Wolf (Heine) et Richard Strauss (Joseph von
Eichendorff et Hermann Hesse). Les deux artistes mêlent avec goût et
savoir-faire les œuvres phares du répertoire et celles beaucoup moins
connues du grand public, les Lieder écrits pour piano et ceux écrits à
l'origine pour orchestre (les Rückert Lieder de Mahler et les Vier Letzte
Lieder de Strauss), dans des interprétations toujours d’une grande
intensité.
Le récital, qui débute avec six Lieder de Liszt, s’ouvre
de façon abrupte avec Vergiftet sind meine Lieder (Empoisonnés sont mes
chants), dont le premier accord annonce d’emblée toute l’amertume. Ensuite
vient le beaucoup plus charmant Im Rhein, im schönen Strome (Le Rhin, ce
beau fleuve), dans lequel le ténor peut à loisir déployer ses graves si
captivants. Suivent Freudvoll und Leidvoll (Joyeuse et souffrante), Es war
ein König in Thule (Il était un roi de Thulé), puis Ihr Glocken von Marling
(Cloches de Marling), et enfin Die drei Zigeuner (Les Trois Tziganes).
Les deux artistes montrent très vite l'étendue de leurs talents
respectifs, aussi bien techniques qu’expressifs. Tout est parfaitement
ciselé, aussi bien au piano qu'au chant, malgré quelques aigus un peu durs,
sûrement dus à la fatigue de la tournée. Après tant d’années de
collaboration, l'entente entre les deux musiciens n’a fait que grandir, et
on sent une réelle complicité entre eux. Avec beaucoup de sobriété, Kaufmann
raconte absolument chaque mot, chaque émotion, et captive l’audience
notamment par ses nuances extrêmes.
Pour clore la première partie, le
duo s’attaque à une œuvre maîtresse, écrite à l’origine pour orchestre (sauf
Liebst du um Schönheit) : les cinq Rückert Lieder, interprétés le plus
souvent par des femmes. Si la justesse du ténor est parfois à sa limite, la
tension qu'il crée avec le piano est d’une grande sensualité. Il offre une
interprétation sincère, allant presque jusqu'à la candeur, notamment dans
Liebst du um Schönheit. Deutsch fait oublier que ces morceaux étaient conçus
pour l'orchestre, tant son accompagnement est riche, dans les timbres, les
nuances, et les intentions. Le tout est d’une incroyable intensité.
Le duo revient après l’entracte avec Hugo Wolf et son recueil Liederstrauss.
Kaufmann s’y montre une nouvelle fois capable de pianissimi époustouflants,
et c’en est presque un soulagement lorsqu'il déploie toute sa voix sans en
diminuer la densité.
Finalement, pour clore le récital en beauté, les
deux artistes proposent une lecture nouvelle et originale des Vier Letzte
Lieder de Strauss. Si le compositeur bavarois a toujours été amoureux de la
voix féminine, et si, dans la tradition, ce cycle est toujours chanté par
des femmes, rien n’interdit aux hommes de l'interpréter. D’ailleurs,
Kaufmann n’en est pas à son premier accroc à la tradition, puisqu'il a
également enregistré par le passé LE recueil réservé normalement aux femmes
: les Wesendonck Lieder de Richard Wagner. Sa relecture est sublime : le
chanteur profite pleinement de cette interprétation avec piano pour offrir
une version intimiste à l’extrême, pleine de sensibilité et de douceur.
Deutsch remplace toujours aussi bien l’orchestre de Strauss, avec une
infinie délicatesse, et quand il le faut une grande puissance. Dans le final
Im Abendrot, la voix du ténor vient se tuiler parfaitement dans le son du
piano, qui vient d’offrir une introduction extrêmement émouvante. La
dernière phrase, ist dies etwa der Tod? (Serait-ce cela la mort ?), vient
dans un souffle, à peine audible, clore avec émotion ce magnifique récital.
Le public, peut-être moins patient que celui de Bordeaux, ne réclame
“que” quatre bis, offerts avec grand enthousiasme par les deux compères,
notamment un Cäcilie de Strauss particulièrement frappant. Un final brûlant
pour un récital d’une grande intensité.
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