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Classique News |
par Sabino Pena Arcia |
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Wagner: Lohengrin, Paris, Opera Bastille, 18. Januar 2017
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Compte rendu, opéra. Paris. Opéra Bastille, le 18 janvier 2017
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Compte rendu, opéra. Paris. Opéra
Bastille, le 18 janvier 2017. Richard Wagner : Lohengrin. Jonas Kaufmann,
Martina Serafin, René Pape… Choeurs et Orchestre de l’Opéra de Paris. José
Luis Basso, chef des choeurs. Philippe Jordan, direction musicale. Création
parisienne du Lohengrin milanais de Claus Guth. L’opéra romantique en trois
actes de Richard Wagner revient à la maison nationale dans une fabuleuse
distribution dont le très attendu Jonas Kaufmann dans le rôle-titre, Martina
Serafin dans le rôle d’Elsa et René Pape dans le rôle du Roi de Germanie.
L’Orchestre de l’Opéra est dirigé avec précision et sensibilité par le chef
Philippe Jordan. Un partie du public rêvant du mirage temporairement
réconfortant du cygne blanc est dans la perplexité devant la justesse
historique de la production de Claus Guth,… sans féérie ; une soirée avec
quelques aspects ahurissants et incongrus mais surtout une soirée rayonnante
de talents comme d’humanité.
Lohengrin : un “héros” pas comme
les autres… KAUFMANN : SOLAIRE JORDAN : HIERATIQUE MAIS RAFFINÉ
Le poème épique dont s’inspire le compositeur très librement date du
XIIIeme siècle et est de la plume d’Eschenbach. Wagner, comme d’habitude,
situe l’action (atemporelle dans le poème) dans un fait historique du Xeme
siècle germanique. Dernier opéra -à proprement parler- de Richard Wagner, il
raconte l’histoire de Lohengrin, fils de Parsifal, chevalier au Cygne Blanc,
héros artiste qui vient au monde avec le but de trouver enfin son
épanouissement, mais qui finit par n’y constater que de désillusion et mort.
Il arrive après la plainte d’Elsa, héritière de Brabant, gardée par
Telramund l’ami, suite à la mort de ses parents. A cause des machinations et
manipulations de sa femme Ortrud, il accuse Elsa du meurtre de son frère
Gottfried de Brabant et exige du Roi sa punition mortelle. Le Roi ne peut
qu’accorder un jugement par combat, et Elsa fait appel à un chevalier pour
sa cause. Voici Lohengrin qui se manifeste et qui gagne, qui impose la
condition de son séjour : qu’elle ne lui pose jamais la question de son
identité. Ortrud, orgueilleuse, manipulatrice blessée (et aussi sorcière!),
regagne la confiance d’Elsa : l’enchanteresse arrive à semer le doute chez
elle, jusqu’au moment de la déception ultime, quand elle pose la terrible
question au chevalier du cygne, qui s’en va par la suite. Pour un pseudo
lieto fine, Richard Wagner fait en sorte que Gottfried réapparaisse -il
était le cygne, Ortrud l’avait ensorcelé-, donc le frère et la sœur pourront
accomplir leur mission politique, malgré la terrible déception du sauveur et
l’émoi de celle qui l’a trahi.
Coup de génie et de sincérité
rafraîchissante : voir la production de Claus Guth, qui transpose l’action à
la période de la création de l’oeuvre, c’est-à-dire au plein milieu du 19e
siècle. Si la mise en scène fait penser, visuellement au moins, à La
Traviata et s’il n’y a pas de Cygne explicite, ce qui paraîtra être
insupportable pour certains wagnériens de surcroît attachés à leur préjugés
(comme leur idole d’ailleurs!), reconnaissons davantage l’aspect innovant et
la grande cohérence comme l’efficacité dramaturgique de la production (tâche
toujours difficile avec la plupart des opéras de Wagner).
La
distribution dans ce sens est visiblement investie dans le parti-pris, et
ceci s’exprime aussi très souvent par la performance musicale. Une réussite.
Le ténor Jonas Kaufmann en Lohengrin offre une vision particulièrement
humaine du chevalier. Touchant par son jeu d’acteur développé, le chanteur
berce et enchante la salle avec un instrument d’une terrible et troublante
beauté, surtout dans son sublime récit « In fernem Land » au IIIème acte.
L’Elsa de Martina Serafin paraît habitée de la niaise dualité potache que
son auteur lui confère, mystique et absente, mais aussi caractérielle et
manipulatrice, ma non troppo. Elle rayonne surtout par les qualités de sa
voix très sollicitée, aux défis redoutables. Son air de l’acte II, « Euch
Lüften » (récit de son bonheur) fut un moment remarquable et beau. Tout
aussi remarquable, mais cette fois-ci par une beauté plutôt espiègle et
endiablée, l’Ortrud d’Evelyn Herlitzius. Manipulatrice, machiavélique à
souhait, elle campe un « Entweihte Götter !» au IIème acte tout à fait …
terrifiant. Remarquons également la performance très classe de René Pape en
Roi, ou encore l’excellente diction, style musical et travail d’acteur, de
Tomasz Konieczny dans le rôle de Telramund !
Que dire des chœurs
sinon qu’ils sont fabuleux et dynamiques sous la direction du chef José Luis
Basso. Moins immédiatement fédératrice peut-être la prestation de Philippe
Jordan, dirigeant l’orchestre ; si nous avons trouvé son travail d’une
finesse presque érotique, avec un timbre diaphane et des crescendo subtiles,
l’archicélèbre marche nuptiale qui sert de prélude à l’acte III, est passé
presque sans qu’on s’en aperçoive -choeurs salvateurs en l’occurrence.
L’orchestre dans les opéras de Wagner ne devrait pas être systématiquement
tonitruant, donc à rebours des critiques émises à son encontre, quel régal
d’écouter son Wagner, hiératique bien sûr, mais raffiné.
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