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rtbf, 27 octobre 2017 |
Christian Jade |
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Verdi: Don Carlos, Paris, Oktober 2017
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Opéra de Paris. 'Don Carlos' (Verdi): une version française, d'origine.
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Des interprètes fabuleux.
Warlikowski tout en intériorité : une belle surprise |
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Le public parisien a un rapport
schizophrénique au metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski. Quand il
encombre certains opéras de digressions baroques et d’images gays, c’est la
bronca. Et quand il creuse un sillon qui vise l’intériorité de l’œuvre il
est hué ou critiqué pareil! Ce fut le cas à la première de ‘Don Carlos’
paraît-il. Le moins qu’on puisse dire c’est que 4 représentations plus tard,
le 25 octobre, le public a réservé une standing ovation de 15 minutes à une
distribution d’une exceptionnelle qualité. Pas seulement pour leur "bel
canto" mais pour leur prestation dramatique juste, sertie dans une
scénographie aussi intelligente qu’efficace de Warlikowski.
‘Don
Carlos’ est une commande de l’Opéra de Paris, qui au XIXè siècle vivait sous
l’influence du "grand opéra" à la française initié par Meyerbeer. Cet
artiste allemand, admirateur de Rossini, impose le ‘drame historique’ avec
ballet (Les Huguenots) comme cadre somptueux d’une éloquence à la française.
Verdi se plie à cette règle puis l’adapte pour un ‘Don Carlo’ italien qui a
fait le bonheur de générations de mélomanes. Cette version française est
donc une " curiosité ", furieusement à la mode puisque l’Opéra de Lyon la
propose en mars 2018, dans une mise en scène du cinéaste Christophe Honoré.
Avec le ballet d’époque, supprimé à l’Opéra de Paris.!
Le cauchemar
de don Carlos. La difficulté, et la beauté, de ce Don Carlos est de
rendre à la fois le drame politique et historique -le rapport au pouvoir et
à la religion- et les conflits intimes entre un père et un fils, Don Carlos
et Philipe II, un homme coincé entre 2 femmes, Don Carlos entre Elisabeth et
la princesse Eboli, et deux hommes pris dans une amitié mystique, don Carlos
et Rodrigue. Comment donner corps et logique à cette mosaïque de conflits ?
Warlikowski propose un angle : l’action est vécue comme un immense
flash-back, un cauchemar, vécu par don Carlos qui s’évanouit quand il
apprend que son père Philippe II épouse Elisabeth de Valois, sa fiancée,
pour faire la paix avec la France. Elisabeth devient donc sa ‘mère’, ce qui
rend leur amour incestueux. Le cauchemar prend la forme d’un vieux film à la
pellicule striée qui tourne en boucle au cours des 5 actes, avec un gros
plan prémonitoire de don Carlos, un pistolet sur la tempe. Autre parti-pris
: l’unité de lieu, le monastère de Yuste, où repose l’âme de Charles-Quint,
qui hante tous les esprits est un tombeau récurrent, transformable en
prison, en salle d’armes ou en bureau royal sinistre, selon les situations.
L’image du conflit est permanente et amplifiée : l’attaque au fleuret de Don
Carlos contre son père pour défendre le peuple opprimé des Flandres est déjà
présente dans le couvent de nonnes du 2è acte, transformée en salle d’armes
où surgit une guerrière ‘sentimentale’ : la Princesse Eboli. Les images
élégiaques de la nature sont gommées mais les cérémonies officielles,
somptueuses, le pouvoir qui se pavane, sont traitées avec un mélange de
beauté formelle et de distance ironique. Certains ont trouvé à cette
austérité de la mise en scène un goût de ‘trop peu’ par rapport au
Warlikowski baroque habituel. Un seul exemple de ‘retenue’ : la relation
amicale entre don Carlos et Rodrigue, le comte de Posa, partisan de la
Flandre " hérétique " .Leur amitié amoureuse atteint son comble lors de la
mort de Rodrigue qui se sacrifie à son prince qu’il vient voir dans sa
prison. L’équivoque reste dans le chant, pas dans les gestes. Car la
concentration de l’intrigue sur le cauchemar de don Carlos et l’austérité
subtile de la scénographie rend la musique maîtresse de la scène en
permanence avec une distribution d’une incroyable qualité. Jonas Kaufmann
dans le rôle titre et Sonia Yoncheva en Elisabeth de Valois sont
éblouissants de justesse sonore et de présence élégante. Chaque apparition
d’Elina Garanca, princesse Eboli, dont les " airs " sont des "tubes" d’une
redoutable difficulté, suscite la passion d’un public médusé par tant
d’aisance dans l’énoncé. Ces vedettes seront remplacées à partir du 31
octobre par d’autres grandes pointures de la scène internationale, le ténor
Pavel Cernoch, la soprano Hibla Gerzmava et la mezzo Ekaterina Gubanova.
Mais le baryton Ludovic Tézier continuera à séduire en Rodrigue à
l’élocution et l’intonation plus que parfaites, émouvant, sans pathos.Et
deux basses remarquables, Ildar Abdrazakov (Philippe II, déchirant dans
l’air fameux " Elle ne m’aime pas ") et Dimitri Bellosselskiy (une puissance
impressionnante en Grand Inquisiteur au look calqué sur le général polonais
Jaruselski ).
Dernière remarque : on reproche souvent à Warlikowski
d’escamoter le chœur dans les coulisses. Ici il règne en majesté dans les
scènes du trône ou du peuple révolté ou en ironie amusée lorsque le chœur de
nonnes devient une salle d’escrime).Et la direction musicale de Philippe
Jordan unifie cet extraordinaire exercice de rigueur scénique et de charme
captivant des voix.
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