|
|
|
|
|
Concertonet |
Florent Coudeyrat |
|
Giordano: Andrea Chenier, konzertant, Théâtre des Champs-Elysées, Paris, 26. März 2017
|
|
Un plateau vocal proche de l’idéal
|
|
Ambiance électrique hier soir au Théâtre
des Champs-Elysées, à la mesure de l’attente créée par l’un des concerts
lyriques parisiens les plus courus de la saison: Andrea Chénier et son trio
vocal de rêve mené par la star Jonas Kaufmann. Dans une chaleur suffocante,
la salle archicomble bruisse des nombreux commentaires d’avant-concert où
l’on s’étonne, par exemple, d’assister à une version de concert à Paris
quand Munich, avec un même plateau vocal, a droit à la mise en scène de
Philipp Stölz jusqu’en juillet prochain. Pour autant, la surprise vient de
la mise en espace proposée, simple et efficace, où les chanteurs se prêtent
à un jeu interprétatif sans partition devant eux. Sans qu’il soit possible
de déceler les libertés prises avec la scène munichoise, ce choix aide
grandement à rendre plus crédible l’action, évitant par ailleurs l’effet
visuel fastidieux d’une brochette de chanteurs tous alignés devant leur
pupitre. Ici, les interprètes vont et viennent au gré de leurs
interventions, retournant en coulisse une fois leur prestation achevée: vu
le nombre considérable de rôles différents en présence dans cet opéra, c’est
là un atout non négligeable.
On touche précisément à l’une des
grandes réussites de cette production avec le soin apporté aux moindres
seconds rôles, tous distribués idéalement. Les amateurs découvrant l’ouvrage
de Giordano pourront en effet être surpris qu’un opéra aussi bref (environ
deux heures) enchaîne autant de scènes courtes, brossant à travers ses
quatre actes des tableaux de caractère très différents dans l’espace et le
temps. En dehors du trio principal qui sert la continuité dramatique de
l’histoire, c’est là l’occasion de découvrir une palette de personnages
truculents dont on pourra noter, ici, une interprétation généreusement
extravertie pour les chanteurs parfaitement italophones. On pense par
exemple à l’impayable Comtesse de Doris Soffel dont le timbre dur renforce
plus encore la vigueur de son tempérament cassant, mais aussi à la
ravissante J’nai Bridges, Bersi impressionnante de rondeur. A ses côtés,
Elena Zilio reçoit une ovation en fin de représentation pour son incarnation
sensible de Madelon, tandis que Tim Kuypers (Mathieu) et Anatoli Sivko
(Schmidt et le majordome) se distinguent par leur articulation et leur
projection idéales.
Entendu voilà deux ans dans La traviata
parisienne réglée par Benoît Jacquot, Luca Salsi s’impose comme une des
grandes satisfactions de la soirée. Sa puissance et sa diction précise lui
permettent de passer de la morgue initiale aux remords humanistes avec une
sincérité désarmante, sous les vivats mérités d’un public conquis. On pourra
pester suite au duo trop court du troisième acte avec Madeleine de Coigny –
contrairement à ce que fera Puccini quatre plus tard dans Tosca – mais ce
reproche s’adresse évidemment au bon faiseur Giordano. Tout aussi applaudie,
Anja Harteros compose une vibrante Maddalena de Coigny, aux aigus rayonnants
et impériale de souplesse dans la ligne. Comme à l’habitude, c’est en plein
chant que Harteros se montre à son meilleur, en comparaison des parlando du
premier acte plus en retrait – un détail à un tel niveau interprétatif. On
pourra aussi remarquer quelques infimes faiblesses chez Jonas Kaufmann dans
le rôle-titre, à l’émission un rien prudente en début d’opéra ou au timbre
moins pur qu’à l’habitude par endroits. Son art interprétatif laisse
cependant toujours aussi pantois, servi par une émission de velours, une
variété de couleurs et de nuances, partout acclamées. Seul son duo conclusif
avec Harteros laisse entrevoir une puissance moindre, peu aidée il est vrai
par les élans dantesques du chef Omer Meir Wellber (né en 1981).
A rebours de ses débuts parisiens en 2011, le chef israélien laisse en effet
éclater tout son tempérament fougueux au bénéfice d’un geste expressif et
enthousiaste. Pour autant, on se lasse vite de cette optique fortissimo qui
couvre trop souvent les chanteurs pour imposer une vision uniforme en
technicolor. Péché de jeunesse, Wellber a surtout manifestement omis de
s’interroger sur l’acoustique périlleuse du Théâtre des Champs-Elysées, dès
lors que l’orchestre se trouve sur la scène en lieu et place de la fosse. On
se réjouira en revanche de l’excellence du Chœur de l’Opéra d’Etat bavarois,
admirable de précision et de cohésion dans chacune de ses interventions.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|