Opera Online, 18 avril 2016
Alain Duault
 
Puccini: Tosca, Wien, Staatsoper, 16. April 2016
 
[Don Pasquale, Jenufa, ]Tosca : un week-end à l’Opéra de Vienne
Ausschnitt:
 
Entre ces deux spectacles aux caractéristiques scéniques très différentes mais à l’unité musicale éblouissante, appuyée à la fois sur la tenue de distributions de premier ordre mais aussi, bien sûr, sur cet orchestre aux sonorités somptueuses, ce Philharmonique de Vienne qui fait de l’Opéra de Vienne une maison unique au monde, entre ces deux beaux opéras, c’est bien sûr la Tosca de luxe qui avait fait courir le monde car Dominique Meyer y avait réuni Angela Gheorghiu, Jonas Kaufmann et Bryn Terfel, c’est-à-dire tout simplement ce qu’on peut faire de mieux au monde pour chacun de ces rôles ! Résultat : quelques 40 000 demandes pour un théâtre de 1 700 places !...
Mais les heureux détenteurs de billets s’en souviendront longtemps, et pas seulement pour le chant ! Donné dans la mise en scène de Margarita Wallmann et les décors de Nicolas Benois, c’est un spectacle patrimonial qui date de 1958 et témoigne pour l’Histoire : aujourd’hui, on ne monterait plus Tosca ainsi, bien sûr – mais ça fait du bien pourtant de retrouver parfois une mise en scène qui raconte vraiment l’histoire !...

Pourtant, au-delà de ces considérations, c’est bien sûr l’affrontement des trois monstres sacrés qui excitait le public – et il a été servi au-delà de ses espérances ! Comme on pouvait s’y attendre, tout était superlativement chanté, sous la baguette attentive et souple de Lopez Cobos, remplaçant au pied levé Mikko Franck, et les bravos crépitaient régulièrement.
Mais la tension est montée d’un cran au troisième acte : après une interprétation toute en finesse bouleversante, presque comme un lied, de son air E lucevan le stelle, le public n’a pas voulu laisser Jonas Kaufmann enchainer et a fait résonner le théâtre d’une interminable ovation, trépignant durant plus de dix longues minutes d’acclamations délirantes… et forçant le ténor à bisser son air – ce à quoi il se refuse le plus souvent, non sans raison car cela brise la tension dramatique ! Toujours est-il qu’il a bissé, avec peut-être encore plus d’émotion palpable… et Lopez Cobos a enchainé pour que le drame retrouve son intensité.

La réponse de la Gheorghiu a été instantanée : pour « punir » Jonas Kaufmann, elle est retournée dans sa loge et a « raté » son entrée, laissant le ténor déconfit, puis éclatant de rire, expliquant au public qu’il était difficile de chanter un duo tout seul ! Finalement le spectacle a repris, avec une tension très nettement perceptible entre les deux stars, mais s’est achevé dans un incroyable triomphe, avec plus de vingt minutes d’applaudissements d’un public qui ne voulait plus laisser partir ses idoles ! Etait-ce encore de l’opéra, avec ses exigences dramatiques inscrites dans la musique, ou un feu d’artifice d’un autre ordre ? On peut en discuter à l’infini : il y a dans l’opéra une dimension théâtrale et une dimension évidemment physique – ce à quoi l’on a assisté avec ce « spectacle » étonnant... Toujours est-il que, pour le public, s’est ainsi ajouté à l’incontestable réussite de cette Tosca le souvenir (qui demeurera dans les annales) du plus étonnant règlement de compte auquel on ait assisté en direct sur une scène lyrique ! Décidément, il se passe toujours quelque chose à l’Opéra de Vienne !






 
 
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