Resmusica, Le 3 juillet 2016
par Dominique Adrian
 
Puccini: Tosca, Bayerische Staatsoper, 1. Juli 2016
 
Kaufmann, Harteros, Terfel, Petrenko dans Tosca à Munich
Une Tosca faite de stars et de musique. Kaufmann, Harteros, Terfel, Petrenko : les noms parlent d’eux-mêmes en ouverture du festival d’opéra de Munich.
 
On reproche souvent aux critiques de trop parler de la mise en scène et pas assez de la réalisation musicale : pour les trois représentations de Tosca données par l’Opéra de Bavière en ouverture de son festival estival, le risque de tomber dans ce travers n’est pas trop grand. Nous avions rendu compte sans grand enthousiasme de la production de Luc Bondy lorsqu’elle était arrivée à Munich en 2010, et il fallait une distribution d’exception pour affronter à nouveau ce pensum. En mettant à l’affiche Anja Harteros, Bryn Terfel et Jonas Kaufmann, l’Opéra de Bavière a rempli cette condition. L’effet de la production n’a pas été diminué par les ans : l’ennui puissant qui se dégage de la scène encourage à fermer les yeux, et il aurait certainement beaucoup mieux valu se contenter d’une version de concert pour éviter l’effet désastreux de cette platitude scénique. Nous étions, certes, prévenus.

Petrenko, Harteros, Kaufmann : c’est la première fois que l’Opéra de Munich affiche ensemble les trois musiciens qui, ces dernières années, ont fait sa renommée. L’étranger, ici, c’est Bryn Terfel, dont la présence à Munich est plus qu’épisodique, même s’il avait déjà chanté dans cette production. On ne peut qu’admirer la solidité du chant et ce côté minéral, impénétrable, écrasant qu’il sait donner en toute sobriété à son personnage. Ce qui manque, alors ? Un peu plus de variété, sans doute, en donnant leur chance aux moments où Scarpia se donne l’air d’un homme du monde.

Pourtant, le meilleur acte de la soirée est le troisième, dont Scarpia n’est plus. Il faut certes composer avec la lourde démonstration de discipline militaire imposée par Bondy, mais les deux protagonistes trouvent une liberté d’action qui bénéficie aussi à leur chant. E lucevan le stelle par Kaufmann reste un moment magique, autant qu’en 2010, et la voix d’Anja Harteros parvient dans ce dernier acte à se libérer pleinement, alors que les deux premiers avaient montré une certaine tension : la splendeur du timbre, l’intelligence de l’incarnation, sa musicalité constante suffisent sans nul doute à en faire une des grandes Tosca d’aujourd’hui, mais il n’est pas sûr, à l’inverse, que Tosca soit le meilleur rôle d’Anja Harteros.

Le théâtre par la musique

Ce qui fait la grande force de cette représentation, de toute façon, n’est pas tant la performance individuelle de chacun des trois têtes d’affiche : ce qui compte, c’est que tous trois vont dans la même direction musicale et théâtrale, celle d’une concentration extrême choisissant de faire confiance à la force intrinsèque de la musique plutôt qu’à toute forme d’effet. C’est aussi, naturellement, l’optique que défend en fosse Kirill Petrenko, lui qui nourrit son discours de la chair de l’orchestre puccinien : le théâtre vient, le théâtre est éminemment là, mais il est construit par l’écriture plutôt que d’être imposé de l’extérieur par la dynamique ou par les coups de boutoir que les chefs « spécialisés » dans ce répertoire lui surimposent.

Quelques décalages entre la fosse et la scène viennent rappeler que, si on se doute que Petrenko a su obtenir un nombre de répétitions suffisant, il ne s’agit là que d’une reprise inscrite dans le quotidien d’une grande maison, et certains petits rôles, notamment le sacristain, ne sont pas à la hauteur. La perfection formelle obtenue pour les premières représentations des Maîtres-Chanteurs il y a quelques semaines n’est donc pas là ; mais les protagonistes peuvent être légitimement fiers d’une soirée qui parvient à sortir Puccini de la routine.






 
 
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