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Anaclase |
par gilles charlassier |
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Wagner: Wesendonck Lieder, Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 19. Mai 2016
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Jonas Kaufmann chante les Wesendonck Lieder Orchestre national de France, Daniele Gatti
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Jonas Kaufmann à petite dose... |
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En contrepoint des cinq représentations de Tristan und Isolde qui marquent
le retour de Richard Wagner dans la fosse du Théâtre des Champs-Élysées
après presque trente ans d'absence [lire notre chronique du 12 mai 2016] –
l'échanson de Bayreuth devait jusqu'alors se contenter du concert, certes
non sans succès –, l'Orchestre national de France et son directeur musical
Daniele Gatti offrent ce qu'il est convenu d'appeler une soirée de prestige,
attendue par le microcosme parisien. La raison tient évidemment à la
présence de Jonas Kaufmann, entre deux Meistersinger munichois, qui draine
un public moins accoutumé aux grandes messes symphoniques, et dont une marge
désertera d'ailleurs le Bruckner de la seconde partie.
C'est
cependant une voix passablement fatiguée qui sonne dans les Wesendonck
Lieder, enregistrés il y a quelques mois [lire notre critique du CD],
contemporains de l'écriture « tristanienne », où des réminiscences des deux
premiers épisodes du Ring déjà composés ne sont pas à exclure – entre autres
Die Walküre et le duo du printemps au premier acte. La juvénilité de L'Ange
(Der Engel) se teinte d'une réserve qui n'épargne pas aux oreilles quelque
écho d'une fragilité perceptible. L'héroïsme de Schmerzen met çà et là en
danger des aigus prudents qui décevront inévitablement le souvenir de plus
d'un aficionado, quand bien même la subtilité de la musicalité ne se trouve
jamais égratignée. En témoignent le deuxième poème, Stehe Still, et plus
encore Im Treibhaus qui s'évanouit dans des diminuendos à la délicatesse
ineffable effleurant et effeuillant les murmures de l'intimité, accompagnés
par l'écoute presque suspendue de l'orchestre et le lyrisme du violon solo
de Sarah Nemtanu. Quant au conclusif Träume, il baigne dans un semblable
éther, au diapason des pulsations oniriques du texte.
L'Orphée de
Liszt proposé en ouverture ne retiendra sans doute pas l'attention durable
des amateurs de glottes comme des grandes fresques symphoniques. Si les
trouvailles qui fécondèrent le travail de plus d'un musicien peuvent
demeurer modestes dans ce vaste mouvement trempé dans un continu
frémissement un rien sucré (qu'on pourra retrouver dans la touchante Psyché
de Franck par exemple), on ne manquera pas la transparence des textures
indissociable de la construction harmonique et de l'évolution mélodique,
ramenées ici à une cohérence empreinte d'un certain germanisme, lequel
sacrifie néanmoins à quelque décalage en début de pièce.
En mi
majeur, la Symphonie n°7 de Bruckner appelle dès le frissonnement inaugural
à un climat lumineux, sinon optimiste. La lecture dynamique proposée par
Gatti va d'emblée dans ce sens et s'appuie sur une dynamique des basses qui
impulse à l'ensemble de l'Allegro moderato un allant jusqu'à l'aveuglante
péroraison finale. Pour autant les tempi n'ont rien de précipité, cette
énergie tient d'abord à la sculpture d'une glaise sonore où se fond, sans
toutefois s'annuler, l'architecture de l'œuvre. La densité des violoncelles
dans l'Adagio peut en livrer un avatar, où l'intensité expressive prime sur
le détachement mystique. Le robuste Scherzo vivace ne manque pas de
lisibilité, quand le Finale reprend les recettes ci-dessus explicitées d'une
interprétation qui privilégie l'ascendance romantique au cisèlement de
pupitres plongés dans l'énergie collective.
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