ResMusica, Le 23 mai 2016
par Joseph Thirouin
 
Wagner: Wesendonck Lieder, Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 19. Mai 2016
 
Jonas Kaufmann : parenthèse wagnérienne de choix au TCE
Jonas Kaufmann à petite dose...
 
En parallèle des représentations de Tristan et Isolde, l’Orchestre National de France offre un concert autour des Wesendonck Lieder de Wagner.

Ironie du sort : la grève des techniciens a empêché que les décors de l’opéra soient retirés de la scène avant le concert, et l’orchestre a dû s’installer tant bien que mal, sans sa « conque » de bois habituelle. Mais ce qui n’était qu’une contingence est venu souligner avec bonheur une parenté toute musicale, puisque deux des cinq mélodies qui composent les Wesendonck Lieder portent la mention d’ « étude pour Tristan et Isolde ».

Parmi elles, le célèbre Im Treibhaus, que le public du Théâtre des Champs-Élysées a pu entendre ce soir admirablement servi par la voix du ténor allemand Jonas Kaufmann. On donnerait cher pour qu’un tel moment de musique se répète sitôt achevé. Déjà stimulé par un poème symphonique de Liszt dont il livre, en ouverture, une version fort aboutie, et emmené par un Daniele Gatti qu’il pourrait suivre les yeux fermés, l’orchestre trouve dans le grain inimitable de la voix de Kaufmann l’étincelle manquante, le surcroît de poésie qui distingue les interprétations proprement remarquables. Les lentes envolées des violons s’évanouissent vers l’aigu comme des soupirs. Quant aux lignes d’alto et de flûte solo, leur timbre s’unit idéalement à la voix, en une poignante déploration. Lorsque le chant s’interrompt, sur l’évocation glaçante des « schwere Tropfen », de l’atmosphère moite et sombre de la serre, l’orchestre continue encore, et le silence du chanteur devient chant, miracle suprême de musiciens qui vibrent à l’unisson.

Triste acoustique

Comme c’est courant, hélas, dans ces programmes en triptyque qui sont encore la norme aujourd’hui, le troisième et dernier volet du concert prend une tournure fastidieuse. Un simple entracte ne suffit pas à rendre leurs forces aux musiciens, ni leur fraîcheur d’écoute aux oreilles des spectateurs. Dans la Symphonie n° 7 de Bruckner que donne, pourtant avec beaucoup d’application, l’Orchestre National de France, on ressent cruellement tout ce qui nous sépare de l’apothéose qui justifierait quatre-vingts minutes de musique supplémentaires : manque de densité expressive dans l’Adagio, manque de folie tourmentée dans le mouvement perpétuel du Scherzo, manque de liesse dans les dernières mesures du Finale. Beaucoup est à mettre sur le compte de l’effroyable sécheresse acoustique du théâtre, qui prive de réverbération sonore, et donc de relief, la plupart des traits expressifs de la partition : n’est-ce pas un paramètre que les programmateurs de spectacle devraient aussi prendre en compte ?






 
 
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