La Provence -Haut Vaucluse, 10.7.2015
Francis PABST
 
Bizét: Carmen, Chorégies d'Orange, 8. Juli 2015
 
"Carmen" peine à séduire
ON A VU Effet du mistral ? La première de "Carmen" nous laisse sur une légère déception
 
La première des trois représentations de Carmen, dans un Théâtre antique bondé parcouru par les rafales d'un mistral exécrable, laisse comme une impression persistante de fadeur et de tiédeur.

Un ressenti qui découle de choix musicaux et esthétiques. Choix du metteur en scène, décorateur et costumier, Louis Désiré, dont l'option scénographique fort originale, truffée de trouvailles, a été inspirée par le trio des cartes : "Il me hante depuis toujours, j'ai donc imaginé qu'une main géante les avait déposées sur la scène du théâtre antique" confesse-t-il. Avec tout l'art de l'éclairagiste Patrick Méeüs, les cartes géantes deviennent à elles seules un monde, isolé par la lumière, blanche, rouge, bleue ou jaune.

Impossible d'en manquer une miette, la lumière impose son choix, dirige et concentre l'action. Jusqu'à en zapper le mur, ignoré, comme banni.

La lumière vive, pointée sur ces tranches de vies posées sur les cartes du destin, engendre une étanchéité surprenante. Et les acteurs, costumés simplement, sans espagnolades, mais toujours avec une touche de jaune, évoluent dans une atmosphère noire et intimiste.

Choix du chef Mikko Franck, à la tête de l'excellent Orchestre Philharmonique de Radio France, use de tempis plutôt tranquillo, gomme les contrastes, refuse les poncifs, lisse l'ouvrage, mais le prive finalement de sel et de poivre. Effet mistral ou réalité ?

La soprano Kate Aldrich semble engoncée dans sa robe, trop chic pour une cigarière. Si elle dévoile avec bonheur des graves superbes, son registre aigu à du mal à se projeter, et dans la scène finale, la tension semble trop maîtrisée.

Le ténor Jonas Kauffmann offre un Don José remarquable, réfléchi, posé, mais plutôt introverti. Sa voix à la douceur de miel s'épanouit à merveille dans "la fleur que tu m'avais jetée", néanmoins dans ses disputes avec Carmen, justes scéniquement, et malgré des aigus fulgurants, semble moins combative. Kyle Ketelsen campe un Escamillo, lui aussi contrasté, plus à l'aise à l'acte 3 que dans le fameux air du toréador.

Avec une étonnante présence vocale, Inva Mula est une Micaela parfaite, aux supplications touchantes. De même Marie Karall (Mercédès) et Hélène Guilmette (Frasquita) dont les superbes couleurs vocales égaient le trio des cartes. Et on reste admiratif devant la diction et la projection de voix parfaite de Jean Teitgen (Zuniga), Olivier Grand (Le Dancaïre), Armando Noguera (Moralès) et Florian Laconi (Le Remendado), tous excellents.

Ces impressions contrastées sont peut-être le fruit du prisme déformant provoqué par le mistral orangeois. Rendez-vous donc les 11 et 14 juillet sous des cieux que l'on espère plus cléments !










 
 
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