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Diapason, 2.2.2011
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Vincent Agrech |
Werther de Massenet. Staatsoper de Vienne, le 21 janvier.
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Werther à Vienne
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Certes, l’ouvrage appellerait un espace plus intime encore que le Staatsoper
de Vienne qui le vit naître voici bientôt cent-ving ans. Après les abysses
de Bastille, on n’en savoure pas moins chaque soupir du couple Jonas
Kaufmann-Sophie Koch. Sur scène, les branches du grand arbre imaginé par
Andrei Serban pour cette production de 2005 se déplument au fil des actes et
finissent par lasser, comme ces éclairages crus et inélégants ou ces
quelques surlignages dramatiques inutiles – le pauvre Albert affublé d’un
rôle méphistophélesque ; dommage pour l’excellent Adrian Eröd, de tout le
plateau celui dont la diction aiguisée se coule avec le plus d’art dans la
phrase musicale. Mais les costumes années cinquante campent finement une
bourgeoisie poussiéreuse et étriquée, et la direction d’acteurs, d’une
extrême justesse, dit l’élan des cœurs et la frustration des corps.
Impossible de rêver couple plus parfait physiquement et vocalement, il est
vrai. Elle toute de tendresse grave et de sensualité discrète, timbre d’une
onctuosité sombre au phrasé large posé sur un soutien parfait – dommage si
les mots manquent un peu de relief. Lui au sommet de son magnétisme
physique, aristocratique et ardent, avec toujours ces occasionnel
engorgements à la Domingo sur le haut du registre mais de glorieux aigus en
javelots (« Pourquoi me réveiller »), un médium intense, une articulation
généreuse. Et surtout de bouleversantes nuances piano qui nuancent le timbre
d’éclats lunaires et font de la mort un moment d’anthologie. Frédéric
Chaslin pourrait demander à l’orchestre davantage de ces murmures plutôt que
de l’entraîner en un chant si continu. Mais il soigne les lignes et les
équilibres, et les traits de violons et de vents vous ont ces parfums
goethéens de forêt profonde qu’il faut aller trouver sur les bords du
Danube. Triomphe attendu au rideau final, avec pas moins de dix rappels
réclamés par une salle debout.
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