Opera Critiques, 24 avril 2011
Par DavidLeMarrec
Wagner: Die Walküre, Metropolitan Opera, 22. April 2011
 
Wagner - Die Walküre au Met : Voigt, Westbroek, Kaufmann, Terfel, König, Levine, Lepage
 
Après avoir rédigé un rapide compte-rendu informel sur la toute récente représentation, je me dis qu'en fin de compte quelques lecteurs de CSS seraient peut-être intéressés de lire un avis ou de confronter leurs impressions, puisque je donne quelques détails ici ou là. Ce ne sont évidemment que des impressions, et pas spécialement l'objet principal de ce lieu - le but en général n'est pas de distribuer des palmes ou des verges aux interprètes, mais plus de se balader avec délices dans des oeuvres.

Je ne pensais pas écouter la retransmission radio, n'étant pas spécialement pressé d'entendre le Siegmund de Kaufmann, chanteur que j'admire intensément au demeurant, mais dont je n'attendais pas énormément dans ce rôle : ce serait bien sûr excellent, mais un chant aussi nasal dans une tessiture aussi basse et un rôle aussi déclamé, ça me gêne, il me faut un timbre avec moins de ce voile qu'on entend souvent chez lui.

Et puis j'ai vu les extraits officiels du Met, qui m'avaient l'air vraiment très bons. [Et où, au passage, la mise en scène si décriée de Lepage, habituellement excellent (voir 1984 de Maazel à Covent Garden ou le Rossignol de Stravinsky à Aix et bientôt Lyon), m'apparaît bien convaincante. A voir sur la durée.]

Je suis donc allé écouter la retransmission (acte I pour l'instant).

D'abord, la prise de son est vraiment luxueuse, elle magnifie et spatialise aussi bien les chanteurs que l'orchestre, on entend tout avec un immense confort. Avec ce degré d'aboutissement, on se dit qu'on est mieux derrière son poste que dans la salle !

Ensuite, James Levine ménage beaucoup de contrastes avec beaucoup de limpidité, très allant et même O süsseste Wonne que je trouve toujours un peu pleurnichard et lancinant se révèle délicat et passionnant, avec un piano subito incroyablement susurré.

Hans-Peter König, que j'avais adoré en salle (Daland avec Neuhold en 2002), sonne un peu mat, mais c'est en fait du velours en vrai, et puis ce demeure tout de même beau et prenant en retransmission.

Eva-Maria Westbroek m'a beaucoup impressionné. J'avais beaucoup aimé sa Sieglinde avec Rattle, quoique un rien attentive ici ou là, mais je l'avais trouvée magistrale d'aisance et de verbe avec Haitink et Forbis (concert Concertgebouw 2009). Et ici, c'est encore plus fort, les aigus (les deux la4 un peu difficiles à négocier dans "Der Männer Sippe") qui ne passaient pas sont aisés et beaux, et en audition seule, le résultat est sans aucun hululement, même si le timbre reste enveloppant - et ressemble de plus en plus au mezzo qu'elle disait vouloir dépasser (mais quel mezzo !).

Enfin Jonas Kaufmann, dont je n'attendais rien de capital. Là, c'est totalement hallucinant, tout simplement le meilleur Siegmund que j'aie entendu, je trouve ça encore plus exaltant que Lorenz, King en studio, le jeune Jerusalem ou n'importe qui d'autre.
Avant tout par la qualité de son expression : chaque mot est pesé et poétique, j'ai tout simplement eu l'impression d'entendre sa tirade "Ein Schwert" pour la première fois ! J'attendais en haletant chaque nouveau mot. Et ses appels étaient réellement expressifs, chacun des deux traduisait une émotion particulière, vraiment un appel de détresse, et pas un cri de gloire du mâle triomphant.

Par ailleurs, le timbre n'avait absolument plus rien de nasal, peut-être grâce à la tessiture basse : au contraire totalement plein et équilibré, d'une rare et somptueuse intensité.

Et pour finir je suis assez impressionné par sa discipline rythmique, pour un tout jeune Siegmund de surcroît.

J'ai rarement vu un interprète capable d'apporter une lecture totalement nouvelle à chaque rôle qu'il aborde (et sans amener à chaque fois la même personnalité comme Mödl ou Domingo, par exemple, qui étaient originaux mais pas variés), et en plus capable de supprimer ses rares défauts, entre deux rôles, alors qu'il est au faîte de la gloire et sans cesse entre deux avions. Il va jusqu'à prévenir les critiques que j'aurais potentiellement pu faire !


Je m'avoue tout à fait scié.

Evidemment, les impressions varient considérablement lorsqu'on s'habitue à un enregistrement, lorsqu'on écoute sans partition (je l'avais devant les yeux cette fois-ci), lorsqu'on dispose de l'image... mais la qualité et l'intensité de cette lecture-là ont quoi qu'il en soit une nouveauté et un magnétisme assez étourdissants.

Par ailleurs, la partition est toujours source d'émerveillement. Cette fois-ci, je me suis arrêté sur la façon dont, pendant le récit de l'apparition du vieillard à l'épée, le thème du Walhalla se resserre pour aboutir en une conséquence logique sur celui de l'héroïsme des Wälsungen.




 






 
 
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