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Forum Opera
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Placido Carrerotti |
Puccini: Tosca, London, 14. Juli 2011
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Quatuor gagnant … quand même ! (Tosca ROH)
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Covent Garden termine une brillante saison par un véritable feu d’artifice
de stars (avec notamment Simon Keenlyside en Macbeth et Joyce DiDonato en
Cendrillon) et un bouquet final de deux représentations de Tosca réunissant
un quatuor comme on n’en a plus l’occasion d’en voir souvent : 3 stars du
chant (dont 2 qui ne chantent que rarement hors de Covent Garden) et un chef
charismatique.
Premier à l’applaudimètre, le régional de l’étape,
Bryn Terfel, campe un Scarpia tout en violence et en noirceur. Aucune
noblesse chez ce baron, qui se permet même un « coup de boule » pour faire
cesser les appels révolutionnaires de Mario. Sale et assez repoussant, le
chanteur gallois multiplie les regards pervers. La composition est efficace,
mais il ne peut s’empêcher d’en faire un peu trop, frisant la caricature
d’un méchant de film muet (à tel point qu’une spectatrice ne peut retenir un
éclat de rire). Comme toujours, l’artiste apporte une attention particulière
aux mots, mais il n’arrive pas à dissimuler les difficultés que lui pose un
rôle trop aigu pour lui. Ainsi, les « Mia ! » du duo avec Tosca sont hors
d’atteinte, les premières notes s’étranglant dans une espèce de vocifération
histrionique, avant que l’artiste n’en soit réduit à transposer les « Sì,
t'avrò! » qui suivent. Difficile d’accuser une méforme passagère puisque le
subterfuge était le même à New-York en avril dernier. Reste une
caractérisation saisissante de véritable psychopathe qui, malgré des
insuffisances vocales, pourrait emporter l’adhésion si tout le plateau était
à ce niveau d’incandescence.
Second selon le « vote du
public », Jonas Kaufmann propose des qualités exactement inverses : un
physique de jeune premier romantique, mais un personnage un peu falot dont
le seul jeu de scène se limite souvent à lever les yeux au ciel en remuant
la tête avec un air blasé. Tout est dans le chant, le ténor allemand
renouvelant les exploits de son Maurizio un peu plus tôt dans la saison (cf.
notre compte-rendu) : une incroyable gestion du souffle, un art de la
demi-teinte (le début de « E lucevan le stelle ») contrebalancé par un chant
viril assumé (un « Vittoria » d’anthologie)… C’est absolument remarquable !
Et au-delà de ces performances purement techniques, une authentique poésie.
Angela Gheorghiu offre le moins bon de ces deux mondes. Vocalement, le
soprano, comme galvanisé par la présence de ses partenaires (et sans doute
rassuré par la perspective de se limiter à deux soirées toutes les deux
enregistrées pour un futur DVD) donne bien plus que dans l’Adriana précitée.
Les aigus rayonnent avec intensité, la voix est étonnamment fraiche,
dépourvu de vibrato excessif. Mais le medium est souvent d’une largeur
insuffisante, parfois noyé sous les décibels, et le grave hors d’atteinte.
Ainsi, contrairement à Terfel, c’est vers l’aigu que certaines phrases sont
transposées. Scéniquement, le personnage n’est pas vraiment crédible : une
sorte de Marguerite de Faust, avec des minauderies de stars du muet, mais
avec l’avantage sur ces dernières d’un timbre d’une qualité unique qui fait
toute la différence avec certains sopranos peut-être plus adéquats
stylistiquement, mais à la voix moins immédiatement reconnaissable.
Les seconds rôles sont tous excellents, à l’exception notable du jeune
berger dont nous tairons le nom : à ce niveau de fausseté et de mal canto,
une seule sanction : au lit sans souper et plus de télé ni de jeux vidéo
pendant un mois.
Mais malgré ces réserves, on ne peut pas sortir
indemne d’une telle représentation. D’abord à cause d’une mise en scène très
efficace, très théâtrale, parfaitement cohérente dans sa noirceur, même si
l’on imagine davantage ce baron à la tête des « colonnes infernales » que
courbant la tête devant la reine de Naples comme dans la tragédie de
Victorien Sardou. Aucune chute de tension dans cette irrésistible course à
la mort. Ensuite et surtout grâce à la direction précise et violente elle
aussi, d’Antonio Pappano, véritable maître d’œuvre de la soirée. C’est
finalement au contact des ouvrages les plus éculés que l’on peut reconnaitre
le génie d’un grand chef : ici, l’orchestration ressort comme jamais, la
tension ne faiblit pas, et le chef américain réussit à construire une unité
sur un attelage a priori disparate de stars aux fortes personnalités.
Au global, une Tosca électrisante comme un film d’action, mais qui ne
fait pas verser une larme : un mélodrame davantage drame que mélo, en
quelque sorte.
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