Opéra, janvier 2012
David Shengold
Gounod: Faust, Metropolitan Opera New York, ab 29. November 2011
 
Le couple idéal
 
La production ne marquera sans doute pas les mémoires, mais son couple Faust Méphisto, si ! En grande forme vocale et scéniquement idéaux, Jonas Kaufmann et René Pape ont fait le bonheur du public new-yorkais.

Coproduit avec l'ENO, où il a été créé en 2010 (voir O. M. n° 56 p. 50 de novembre), ce Faust confirme à quel point Peter Gelb fait fausse route quand, pour soi-disant rénover l'approche des mises en scène au Met, il joue la carte de débutants (ou presque) dans l'univers de l'opéra. Monique Barichella ayant décrit avec justesse le spectacle de Des McAnuff, nous n'y reviendrons pas, sinon pour souligner à quel point il est aussi surchargé que lassant.

Sous la baguette élégante d'un Yannick Nézet-Séguin sensible à la beauté des sonorités, la distribution est dominée par le couple Faust-Méphisto. Jonas Kaufmann est aussi séduisant sur le plan physique que scrupuleusement musical. Capable de plier son instrument aux plus infimes variations dynamiques, il parcourt une gamme de nuances infinie, y compris dans l'aigu, tour à tour suave et éclatant. Le rôle, en revanche, est écrit pour une émission naturellement plus haute que la sienne et, contraint de surveiller son placement en permanence, le ténor allemand perd un peu en spontanéité et en urgence. À certains moments, on se prend à regretter le naturel et la liquidité d'un Alain Vanzo ou d'un Roberto Alagna.

René Pape, de son côté, affiche une forme vocale éblouissante en Méphisto, se montrant, lui aussi, soucieux de nuances. Tout juste regrettera-t-on, au premier acte, quelques raucités dans l'aigu et le grave (l'extrémité basse du registre n'a jamais été son point fort dans ce rôle). Pour ce qui est de l'interprétation, pleine de vie et d'esprit, nous n'avons pas perçu de grande différence par rapport à sa précédente incarnation in loco, en 2005, dans la mise en scène d'Andrei Serban.

Peut-être un peu léger dans une salle aussi vaste, le Valentin de Russell Braun n'en est pas moins chanté avec soin, avec un sens aigu du texte. Grâce à son mezzo sombre et sonore, Michèle Losier campe un Siébel de beau relief. Wendy White et Jonathan Beyer complètent, avec efficacité, un plateau dont le seul point faible s'avère Marina Poplavskaya.

Scéniquement engagée et touchante, la soprano russe n'a pas grand-chose à partager avec l'écriture de Marguerite. Dans les passages de douceur, elle obtient quelques résultats probants, même si la voix sonne excessivement blanche. Ailleurs, elle est régulièrement prise en défaut : trille faible, difficulté à respecter la ligne musicale, recours au parlando au détriment du legato... Plus l'opéra avance, plus ses handicaps techniques ressortent avec évidence, jusqu'à une scène de l'église et un trio final où l'on souffre pour (et avec) elle. Marguerite doit certes être au désespoir, mais pas parce qu'elle est dépassée sur le plan vocal...


 






 
 
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