Rue du théâtre, 20 janvier 2010
Par Noël TINAZZI
Massenet: Werther, Paris, janvier 2010
 
Un "Werther" idéal à la Bastille
 
Sous la direction fougueuse de Michel Plasson, le « Werther » de Massenet est monté avec maestria par Benoît Jacquot à l'Opéra Bastille. Sophie Koch en Charlotte et Jonas Kaufmann dans le rôle-tire composent un duo bouleversant.

Atemporel et inscrit dans la veine romantique du XIXème siècle, universel et imprégné d'imaginaire germanique, c'est la double gageure réussie par Benoît Jacquot pour ce « Werther » à l'Opéra Bastille. Fleuron de l'opéra français, ce drame lyrique en 4 actes, créé en 1892 par Jules Massenet, vaut surtout pour sa musique. Le livret d'abord écrit en allemand puis en français, inspiré des « Souffrances du jeune Werther » publié par Goethe un siècle plus tôt, est plus laborieux. Il exalte le désespoir, la maladie d'amour de Werther, jeune artiste fougueux, réfractaire aux conventions sociales, épris d'une prude villageoise, Charlotte, liée par serment à un notable villageois et fidèle à son devoir. Torturé par cet amour contrarié auquel il ne peut renoncer, Werther n'a d'autre issue que le suicide.

Le cinéaste Benoît Jacquot, qui signe là sa première mise en scène d'opéra (après avoir porté « Tosca » à L'écran en 2001) évite toute grandiloquence, mettant l'accent sur les gestes, les élans réciproques des deux héros, sur les signes entre deux êtres trahissant les « affinités électives », comme les nommait Goethe dans un roman postérieur. Les décors et les éclairages, très évocateurs malgré (ou a cause) de leur sobriété de bon aloi, font penser aux tableaux de Caspar David Friedrich. De son savoir-faire de cinéaste, Benoît Jacquot a gardé quelques traces, comme cette heureuse trouvaille de la chambre de Werther, une boite faiblement éclairée qui, à l'épilogue, s'avance lentement sur scène, créant comme un effet de zoom sur le héros mourant.

Les deux protagonistes principaux ont le physique et l'âge de leur personnage. La mezzo Sophie Koch incarne une Charlotte sensible à la précision de chant infaillible. Quant au ténor allemand Jonas Kaufmann, il campe un Werther crédible et bouleversant, dont la diction en français est impeccable. Il faut aussi et surtout saluer la direction de Michel Plasson qui tout en lâchant la bride au lyrisme de la partition maintient une balance parfaite entre l'orchestre et les voix.






 
 
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