La boite à sorties, janvier 26, 2010
Christophe Candoni
Massenet: Werther, Paris, 14. Januar 2010
Jonas Kaufmann, idéal Werther
 
La chaîne Arte retransmet ce soir à 20H35 la captation d’une représentation de Werther, le chef d’œuvre de Massenet, qui se joue jusqu’au 4 février à l’Opéra Bastille dans la mise en scène du cinéaste Benoît Jacquot. Cette magnifique production qui date de 2004 avait été créée au Covent Garden à Londres. Sa reprise cette saison à Paris fait l’évènement grâce à une distribution de luxe : le ténor allemand Jonas Kaufmann chante pour la première fois le rôle titre et sous la direction d’un maître, longtemps absent de la fosse de l’Opéra National de Paris, le chef d’orchestre Michel Plasson.

Cette production est une preuve parfaite de la possibilité de faire à l’Opéra une vraie mise en scène dramatique tout en étant fidèle au livret et à l’écoute de la musique et des exigences techniques du chant. La direction d’acteur que fait Benoît Jacquot est précise, intelligente, notamment dans la relation entre Werther et Sophie. Il montre la difficulté à avouer un amour impossible et se débattre avec les sentiments. La manière dont les corps se frôlent avec retenue et pudeur est magnifique. Il sait compter sur la présence scénique et le fort engagement dramatique des chanteurs. Fidèle à son langage cinématographique, usant du hors-champ (exit la fête chez le pasteur) et du travelling, il créé des images froides et belles dans les décors de Charles Edwards qui représentent pour les deux premiers actes deux larges espaces en extérieur et font évoluer les protagonistes dans des lieux vides, désertés, sans vie ni distractions. Puis l’espace se resserre dans l’entrée sombre et rigoriste de la maison de Charlotte et enfin la petite chambre dans laquelle Werther se suicide. La mise en scène fonctionne sur une progression dramatique suivant le fil des saisons, de la douce nuit printanière aux flocons de neige hivernaux. On peut juger les deux premiers actes classiques et plutôt convenus, la suite se libère dans une émotion vive menée à son paroxysme pendant la longue mort du héros, statique et bouleversante.

Jonas Kaufmann a la jeunesse séduisante et le physique idéal du héros romantique. Dès sa première entrée sur scène, pendant l’ouverture, en costume bleu sombre et lunettes de soleil, il irradie, baigné dans la lumières chaudes d’André Diot. Il est un personnage à la fois solaire et crépusculaire. Nous avions vu l’année dernière l’interprétation bouillonnante de Rolando Villazon, passionné et torturé à Bastille dans la mise en scène de Jürgen Rose, Jonas Kaufmann est ici un Werther beaucoup plus intériorisé. Sa voix étonnamment sombre correspond idéalement aux tourments du personnage. On apprécie la finesse de la musicalité dont il fait preuve. Là où certains ténors exhibent de puissants moyens vocaux, Kaufmann use du mezzavoce, avec une voix d’une douceur caressante, renforcée par une belle projection, des aigus aisés et une très bonne diction du français. On cite aussi la déchirante et intense Charlotte de la mezzo-soprano Sophie Koch. Les seconds rôles sont également très bons : la fraîcheur et la voix claire de Sophie (Anne-Catherine Gillet), la gravité et la droiture de Ludovic Tézier dans Albert, l’empathie et la tendresse du Bailli d’Alain Vernhes. Michel Plasson dirige l’orchestre de l’Opéra de Paris avec minutie. C’est assez lent, tout legato dans un grand souffle mélancolique et élégiaque, d’une grande expressivité dramatique grâce à une large gamme de couleurs et de nuances.


Foto: Elisa Haberer

 






 
 
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