AFP
Massenet: Werther, Paris, 14. Januar 2010
Jonas Kaufmann, parfait héros romantique pour ses débuts en Werther
 

PARIS — Voix idéalement sombre, fine musicalité, français soigné: le célèbre ténor allemand Jonas Kaufmann a fait jeudi soir à Paris des débuts captivants dans le rôle-titre du "Werther" de Massenet, campant avec justesse un jeune héros romantique sous l'oeil du cinéaste Benoît Jacquot.

Le réalisateur français fait jusqu'au 4 février -- il aura 63 ans le lendemain -- ses débuts à l'Opéra de Paris avec cette production venue de Londres (Covent Garden, 2004), qui constitue son premier spectacle.

La cinquième des huit représentations programmées, celle du 26 janvier, sera diffusée par la chaîne franco-allemande Arte en quasi direct (20h35) de l'Opéra Bastille, évidemment dans une réalisation de Benoît Jacquot.

A Londres, le metteur en scène n'était pas pleinement satisfait de la distribution. Le ténor argentin Marcelo Alvarez ne lui convenait pas. "Il a une voix d'or, est adorable mais c'est tout sauf Werther: il a une tête d'Inca et une silhouette de tour", a confié Benoît Jacquot à l'AFP.

Avec Jonas Kaufmann, le cinéaste est comblé: ce beau ténébreux au cheveux bouclés semble sorti de l'esprit de Goethe, dont "Les Souffrances du jeune Werther" inspireront à Jules Massenet son drame lyrique (1892).

Son grain de voix concentré, la richesse de son timbre et sa maîtrise technique font merveille dans cette musique qui préfère le ton de la conversation à l'éclat. Le jeune quadragénaire offre notamment un "Pourquoi me réveiller" (acte III) de toute beauté.

Benoît Jacquot, amateur de films en costumes, signe un spectacle très classique, qui ne révolutionnera pas le théâtre lyrique. Sa mise en scène raconte avec une élégante lisibilité, sous des lumières changeantes, le drame de Werther, épris d'une Charlotte promise à un autre (Albert) et préférant mourir plutôt que renoncer à son amour.

En peu de pas et de gestes, Jonas Kaufmann offre une forte présence. Son Werther esquisse un duo convaincant, où l'on se cherche, se frôle, s'évite ou s'étreint subtilement, avec la Charlotte de la mezzo française Sophie Koch, d'une sensibilité et d'un épanouissement remarquables.

Très attentif aux personnages féminins dans ses films (Isabelle Huppert, Sandrine Kiberlain, Judith Godrèche...), Benoît Jacquot l'est aussi dans cette production qui met souvent les femmes (outre Charlotte, la Sophie pétulante de la soprano belge Anne-Catherine Gillet) en mouvement, sur un décor en pente.

La direction musicale est moins animée avec Michel Plasson, grand connaisseur du répertoire lyrique français et maître-d'oeuvre d'un "Werther" de référence au disque (EMI, 1979, avec le ténor espagnol Alfredo Kraus).

Si l'Opéra de Paris répare légitimement une anomalie en conviant dans la fosse de Bastille ce chef qui n'y avait jamais dirigé, le maestro de 76 ans peut décevoir par ses phrasés alanguis, pas toujours synchrones avec les chanteurs. Mais sa lecture nuancée recèle des beautés que l'Orchestre de l'Opéra de Paris sait exploiter.






 
 
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