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Anaclase
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Bertrand Bolognesi |
Puccini: Tosca, München, 10. Juli 2010
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"tosca", opéra de giacomo puccini
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Depuis
une dizaine d'années, le passionnant Münchner Opernfestspiele choisit
d'offrir une représentation au public réuni sur la place devant un écran
géant. Connaissant un très grand succès, cette opération Oper für alles
prend une autre dimension, ce soir, puisque la Tosca munichoise est
retransmise en léger différé par Arte (certes, les orages y mettant du leur,
le téléspectateur rencontre quelques désagréments mais, pour finir, sa
patience sera plus que récompensée). La soirée est chic à la Staats-oper
arborant robes longues, mais aussi sur la place où se remarque
un soin particulier de l'habit marquant particulièrement l'événement.
Faudra-t-il rappeler qu'au même moment l'équipe allemande brigue une
qualification footballisitique, ce qui n'empêche pas ce beau rassemble-ment
pour la musique ?
Dès les premières mesures, Fabio Luisi cisèle son interprétation, goûtant
minutieusement à chaque détail d'une partition qu'il nous fait
incroyablement redécouvrir. Les musiciens de l'excellent Bayerisches
Staatsorchester le suivent rigoureusement dans un chemin inhabituel qui
semble avoir déstabilisé certains auditeurs (quelques huées lors des saluts
finaux), mais dont il faut avouer le plus honnêtement qui soit la cohérence
tant musicale que dramatique, l'intrinsèque vitalité, la continuelle
stimulation ainsi que l'indiscutable équilibre avec la scène, la fosse de ce
théâtre étant cependant dangereusement ouverte.
Rencontre-t-on souvent plateau vocal si excitant que celui-ci ? Enrico
Fissore y campe un irrésistible Sacristain, Rüdiger Trebas un Sciarrone
irréprochable, tandis que Christian Rieger phrase assez luxueusement son
Geôlier. Plus vrai que nature - un peu trop, peut-être ? -, le Spoletta de
Kevin Conners est horrible à souhait, tant théâtralement que vocalement -
mais sur ce point, ce n'est pas par volonté : son Aumonier des Dialogues des
carmélites, la veille, ayant copieusement écorché l'oreille, tandis que
Christian Van Horn livre un Angelotti fermement vocal, doté de riches
harmoniques dans le registre grave et d'un cuivre flatteur dans le
haut-médium. Le trio de tête surprend et convainc. Juha Uusitalo y est un
Scarpia au timbre solide, sorte de troublante brute jouisseuse dont le grain
vocal affirme la noirceur. D'un velours qu'on n'attend pas dans le
rôle-titre, Karita Mattila affirme sa Tosca à l'expressivité opulente,
absolue en tout, dans l'amour comme dans la haine, dans la griffe et la
caresse. Enfin, l'emportent l'indicible charisme et la forme olympique de
Jonas Kaufmann, parfois moins italien stylistiquement que le souhaiteraient
les puristes, mais tellement juste toujours, conjuguant les avantages d'une
véritable intelligence musicale, d'un format vocal confortable et d'un
engagement scénique qui jamais ne compte.
De la mise en scène de Luc Bondy, on retiendra des choix judicieux dans leur
radicalité même, comme cette église de brique rouge qui concentre le public
sur le sujet principal et dont l'austérité offrira aux étoles du Te Deum
(fin de l'Acte I) un magnifique contraste, mais surtout une direction
d'acteurs exigeante. Dans les décors somptueusement réalisés de Richard
Peduzzi et la lumière moins raffinée de Michael Bauer, ne magnifiant guère
les costumes de Milena Canonrera, d'ailleurs, Bondy enfonce toutefois un peu
trop le clou, recourant à des situations qui flirtent avec la caricature
(les trois courtisanes chez Scarpia, au début du II, le poulet qu'il désosse
sauvagement, etc.). On lui reprochera, outre de montrer une Tosca parfois
catcheuse (quelle élégance à repousser du pied les sbires dans
l'esca-lier…), l'ellipse de l'envolée finale. Certes, il s'en permet la mise
à distance par l'amorce qu'il en fait à la fin du II, Floria se penchant
dangereusement à la fenêtre. Mais c'est faire l'impasse de ce que le geste a
de plus symbo-lique : elle se jette dans le vide, on pourrait dire dans le
ciel, plus simple-ment, après le bien-connu davanti a Dio. L'héroïne est
libre d'aimer Cavaradossi, de se refuser au Baron, de le poignarder, de se
jeter dans le vide plutôt que de se laisser juger et mettre à mort par
l'autorité qu'elle nie. Ce ciel de Rome, c'est sa liberté, précisément.
Avoir essayé de le jouer autrement était louable ; sans doute l'eut-il été
plus encore de s'en avouer l'insuffisance et d'assumer un retour plus
littéral au texte. |
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