Qobuz, 15.10.10
André Tubeuf
Schubert: Die schöne Müllerin, Paris, TCE, 14. Oktober 2010
 

Doublé vocal au Théâtre des Champs-Elysées

Sensationnel doublé vocal à cinq jours d’intervalle au Théâtre des Champs-Elysées. Deux stars absolues du chant d’aujourd’hui, et chacune dans son meilleur emploi, et au sommet de son art.

Anja Harteros le  9 octobre est strictement tout ......

......son ineffable Elsa (avec Kaufmann) sont sur DVD. Consolez-vous avec, et ne manquez pas son retour dans Alcina (29 novembre 2010, Théâtre des Champs-Elysées) qu’en duo avec Kasarova elle donnait de façon éblouissante au festival de Munich il y a quelques années déjà. Deux magiciennes à la fois !

C’est son Lohengrin de rêve de Munich, Jonas Kaufmann, qui donnait ensuite (le 14 octobre) une Schöne Müllerin reportée de la saison précédente. Le statut du beau Jonas a changé depuis. Un disque vériste triomphal, le Werther bouleversant de janvier dernier à Paris mais de toute façon le raz de marée de l’évidence mondiale l’ont propulsé à l’absolu sommet : et son Adriana Lecouvreur de cet hiver à Covent Garden avec Angela Gheorghiù fait rêver tout le monde, et déjà courir quelques-uns. Par chance, le plus gros de sa salle comble était un public reporté, et motivé : pas les foules envisonnées qui désormais courent là où il y a star. Elle a rendu aux dix dernières simplement hypnotiques minutes de sa Müllerin le même hommage qu’à Desdémone (d’autant plus rare à l’automne) d’un silence gorge serrée. Les effets de détimbrage qui sont pour Kaufmann péché mignon (et qui font tant d’effet dans le vérisme, dans Fidelio même) ici doivent s’étirer dans les phrases de Schubert longues, tendues, tenues, et l’effet piano intense dans quelques-uns de ces lieder trouve sa place idéale. Déjà Der Neugierige dispensait cela jusqu’à l’intoxication ; et la fin de Pause, si rarement habitée à plein, avec son pianissimo ardent pour appeler comme un prélude à de nouveaux chants. Mais à partir de Die liebe Farbe, pour qui suit et s’ouvre au sens des mots, à l’effet vocal magique se surimprimait en outre une tension dramatique allant vers le silence, paradoxe rarement réussi en scène. Ineffable. Un vrai ténor créant le drame et le faisant vivre dans la progression de la Müllerin, depuis Patzak ça n’a plus existé (Wunderlich qui chantait bien, certes, ne chantait pas ça). Des barytons seulement, Fischer-Dieskau, Goerne maintenant. Mais personne qu’on sache, même Dietrich Fischer-Dieskau avec Eschenbach, n’a eu complice au piano de la force et de la sensibilité d’Helmut Deutsch, timbrant et simplifiant le parcours comme si le chanteur n’avait qu’à y mettre ses pas à son tour. La bonne nouvelle est qu’après un bis lui-même émacié et hypnotique (dans la sonorité même de Des Baches Wiegenlied), Der Jüngling an der Quelle, avec ses appels silencieux et intenses (Luise, Luise…), Kaufmann ait simplement démontré en dernier bis, Der Musensohn, sa joie de chanter, saine et intacte. Réponse à ceux qu’inquiète parfois sa propension à détimbrer, et qui redoutent qu’à long terme il y laisse un peu du corps même de sa voix. Rassurons-nous. Et redisons-le, une heure et quart de Schubert strophique et mélodique, c’est plus lourd à porter que tout un Lohengrin ! Les épaules sont là.






 
 
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