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ConcertoNet |
Claudio Poloni |
Humperdinck: Königskinder, Zurich, 02/07/2010 - et 11, 13,
18, 21* février 2010
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Spectacle royal
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D’Engelbert Humperdinck, les mélomanes connaissent Hänsel et Gretel (1893),
un opéra pour enfants régulièrement à l’affiche des scènes lyriques,
notamment germanophones. Ce qu’on sait moins en revanche, c’est que le
compositeur a écrit six autres opéras, tous tombés dans l’oubli, à
l’exception de Königskinder (Les Enfants de Roi), que l’Opernhaus de Zurich
vient de reprendre avec grand succès pour cinq représentations, dans une
production datant de 2007. L’ouvrage semblait promis à une belle carrière:
conçu dans un premier temps sous la forme d’un mélodrame musical, sa
création à Munich en 1897 connut une jolie réussite. Une deuxième version,
véritable opéra cette fois, vit le jour à New York en 1910, et là aussi
l’accueil fut enthousiaste, dépassant largement celui que reçut quelques
semaines plus tôt La Fanciulla del West, créée sur la même scène. Las, si la
partition de Puccini n’a, depuis, plus jamais quitté le répertoire des
théâtres lyriques, l’ouvrage d’Humperdinck a, quant à lui, très vite sombré
dans l’oubli, la faute vraisemblablement à un livret qui peut paraître
décousu et terriblement naïf au premier abord, alors que la musique, en
revanche, recèle de nombreux passages d’une grande inspiration. Quoi qu’il
en soit, l’œuvre a été représentée pour la première fois à Zurich en 1911
déjà (une année donc après New York), même s’il faudra ensuite attendre 2007
pour qu'elle ait les honneurs d'une nouvelle production, et 2010 pour une
reprise. Pour les amateurs de statistiques, on ajoutera que la création en
France a eu lieu en 2005 seulement, au Festival de Montpellier.
Contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, Königskinder n’est
pas, après Hänsel et Gretel, un nouvel ouvrage pour enfants. Inspiré très
librement de contes d’Andersen et de Grimm, le livret raconte l’histoire
d’une gardeuse d’oies, prisonnière d’une sorcière, qui tombe amoureuse du
fils d’un roi. Réussissant à briser les sortilèges qui la retiennent, elle
retrouve son bien-aimé, qui entretemps s’est fait embaucher comme porcher.
Les habitants, furieux que leurs monarques puissent être d’aussi basse
condition, chassent les amoureux, qui finissent par mourir de faim et de
froid. Le metteur en scène Jens-Daniel Herzog et son décorateur Mathis
Neidhardt ont gommé toute référence au conte pour situer l'action dans un
lieu unique réaliste et symbolique, sorte de grand hangar enfermant les
personnages, qu'ils soient prisonniers (la gardeuse d'oies au début de
l'ouvrage) ou libres (l'héroïne retrouvant le prince). Comme en 2007, Ingo
Metzmacher s’engage avec conviction dans la réhabilitation de l’œuvre,
offrant une lecture foisonnante et rutilante, mais néanmoins raffinée et
précise, d’une partition qui se révèle un savant mélange de chants
populaires, de Sprechgesang, de grandes envolées symphoniques et de
leitmotiv rappelant Wagner, dont Humperdinck a été l’assistant pour la
création de Parsifal. La distribution est idéale, avec à sa tête un Jonas
Kaufmann, qui, après son récent Werther parisien, engrange un nouveau
triomphe. Il faut dire que son timbre sombre et corsé est idéal pour le rôle
du prince naïf et viril à la fois. Isabel Rey campe une gardeuse d'oies
touchante de grâce et de fragilité. On décernera également une mention
spéciale à la sorcière irrésistible de drôlerie de Liliana Nikiteanu, au
musicien élégant d’Oliver Widmer ainsi qu’à la touchante petite fille de
Stephanie Ritz. Il ne reste plus qu’à espérer que les ovations qui ont salué
ces représentations zurichoises inciteront d’autres théâtres à programmer
l'ouvrage, qui le mérite assurément.
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