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Forumopera, Juni 2009 |
Jean-Marcel Humbert |
Verdi: La Traviata, Bayerisches Staatsoper, Munich, 12
juin 2009
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Limonade éventée
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Giuseppe Verdi (1813-1901)
La Traviata
Opéra en 3 actes (1853)
livret de Francesco Maria Piave
d’après la pièce La Dame aux camélias de Dumas fils (1852)
Simon Keenlyside (Giorgio Germont), Myrtò Papatanasiu (Violetta) et Jonas
Kaufmann (Alfredo)
© Photo Jean-Marcel Humbert
Mise en scène : Günter Krämer
Scénographie : Andreas Reinhardt
Costumes : Carlo Diappi
Éclairages : Wolfgang Göbbel
Violetta Valéry : Myrtò Papatanasiu
Alfredo Germont : Jonas Kaufmann
Giorgio Germont, son père : Simon Keenlyside
Flora Bervoix : Anaïk Morel
Annina, servante de Violetta : Tara Erraught
Vicomte Gaston : Kevin Conners
Baron Douphol : Christian Van Horn
Marquis d’Obigny : Rüdiger Trebes
Docteur Grenvil : Christoph Stephinger
Giuseppe, serviteur de Violetta : Ho-Chul Lee
Un serviteur de Flora : Todd Boyce
Un jardinier : Igor Bakan
La sœur d’Alfredo : Demet Gül
Bayerisches Staatorchester, chœurs du Bayerischen Staatsoper
Direction : Keri-Lynn Wilson |
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Que c’est mauvais signe, quand on arrive devant
le théâtre, et qu’il y a des dizaines et des dizaines de personnes qui
essaient, sans succès, de revendre leur place !
Angela Gheorghiu, qui avait assuré la première deux jours plus tôt (insigne
honneur fait à Munich), devait chanter ce soir. Elle a annulé « pour raison
de santé ». Comme on n’a pas d’état global de ses prestations maintenues, il
est difficile de confirmer ou d’infirmer qu’elle semble être devenue
championne du monde toutes catégories des annulations ; mais il vaut mieux
dorénavant éviter de miser sur elle. Elle est remplacée ce soir par Myrtò
Papatanasiu ; et elle devait être remplacée dans deux jours par la
cantatrice maison Anja Harteros, qui elle-même a déclaré forfait et sera
remplacée par Elaine Alvarez qui, à force de remplacer Gheorghiu et les
autres, s’est forgée en à peine plus d’un an de carrière une réputation de
vedette internationale.
The show must go on… Ce soir, pas de chance, c’est donc Myrtò Papatanasiu
qui est notre Violetta. Le premier acte est calamiteux : cris sans
chuchotements, pour ne pas dire hurlements, justesse incertaine, voix
instable, elle faisait penser à l’effroyable Larisa Gogolevskaya qui fut la
dernière Lady Macbeth de l’opéra Bastille. Et puis la voix se chauffant (et
peut-être le trac de ce remplacement au pied levé disparaissant), les choses
s’améliorent un peu vocalement parlant, non sans que nombre de petites notes
ne soient allègrement savonnées, et que tout suraigu écrit ou non ne soit
soigneusement écarté. Et après quelques jolies notes allégées, tous les
défauts reviennent dans son dernier air chanté à pleine voix. Quant à
l’interprétation, elle est restée à un grand niveau de médiocrité :
vulgarité totale au premier acte où elle arpente sans cesse la scène en
ondulant du derrière (pour faire grande classe sans doute ?), utilisation de
gestes stéréotypés, absence de caractérisation du personnage (à la fin, elle
fait Lucia), absence totale d’émotion (quand on a envie de se boucher les
oreilles, ça n’aide guère à être gagné par une émotion qui, de toute
manière, reste factice). Et il paraît qu’elle va chanter Donna Anna à
Macerata…
Jonas Kaufmann était Alfredo. L’enfant chéri des Munichois est beau gosse
et affiche la décontraction virile mise à la mode par Rolando Villazón : les
mains dans les poches, chantant en marchant, en courant, en lançant
l’escarpolette, il est scéniquement un des plus plausibles Alfredo qui
soient, encore que, côté émotion, on reste là aussi sur sa faim. Et
vocalement ? Disons-le tout net, Alfredo n’est pas pour lui, c’est un non
sens. La voix est belle mais un peu lourde et engorgée, ce qui l’empêche de
faire par exemple les triolets dans le Brindisi : ce n’est pas la voix «
lumineuse » et claire que l’on attend, à laquelle nous ont habitués – entre
autres – les Kraus et Pavarotti. Son interprétation est par ailleurs trop
germanique et puis, en plus, il se trompe de répertoire et, à deux reprises,
hésite entre Le Trouvère et une chanson napolitaine… Le père Germont de
Simon Keenlyside est plutôt bien chanté (un peu bas au début), bien dans la
tradition des grands barytons verdiens. Mais également trop monolithique :
au bout d’un moment, on se prend à penser à autre chose, par exemple que
c’est vraiment une drôle d’idée qu’il a eue de traîner derrière lui la
malheureuse sœur d’Alfredo : la voir aussi empruntée et gênée n’ajoute rien
au texte !
La mise en scène de Günter Krämer est pleine d’autres poncifs et de déjà vu,
sans aucune invention. Replacée dans les années 1920 avec des costumes
approximatifs, elle montre par exemple la bonne société jouant au petit
train et à la farandole au premier acte, un prestidigitateur de série
répétant inlassablement le même tour de cartes pendant que les chœurs
s’égosillent, un grand lustre qui s’allume au-dessus de la table de jeu, et
enfin, signe de la déchéance finale, le même lustre brisé à terre à côté
d’une Violetta qui agonise sur un grabat. Mais elle trouve encore la force
de se relever et d’aller, en diagonale à travers la scène vide, vers la
lumière de la vie éternelle (que de fois n’a-t-on pas vu cet effet depuis
que le Teatro Stabile de Turin l’avait mis à la mode au début des années 60
?), et avant que de s’effondrer en écartant une dernière fois les jambes (en
suivant les indications du metteur en scène, ou est-ce moi qui ai vraiment
l’esprit mal placé ?).
Aucune invention, aucune émotion vraie, c’est ce qui peut également
caractériser la direction d’orchestre de Keri-Lynn Wilson, d’une platitude à
toute épreuve et vraiment sans aucun intérêt, simplement le travail appliqué
d’une médiocre étudiante en direction d’orchestre.
La presse nous avait promis du Champagne, on aura tout juste eu de la
limonade éventée : on aurait trouvé tout ça très bien au casino de
Canardville (Munich fêtait justement cette semaine les 75 ans du toujours
jeune Donald), mais pas au Staatsoper de Munich. Une soirée perdue ?
Allez, quand même un cœur pour Jonas. |
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