Le Figaro, 16/07/2009
Christian Merlin
 
Les grandes voix se retrouvent à Munich
 
Servie, entre autres, par Jonas Kaufmann, Anja Harteros et Eva-Maria Westbroek, la programmation du nouveau directeur du festival, Klaus Bachler s'avère de très grande qualité.

Chaque mois de juillet, le Festival de Munich est l'occasion de voir les chevaux de bataille de la saison lyrique de la capitale bavaroise. Cette année, la première du mandat du nouveau directeur, Klaus Bachler, la programmation est brillantissime. Homme de théâtre, Bachler, qui fut précédemment directeur du Burgtheater, l'équivalent de la Comédie-Française à Vienne, ne cache pas son bonheur de diriger l'Opéra de Munich : «une maison de rang international dans un village, un théâtre où toutes les énergies sont positives et tendues vers la qualité artistique, sans la lourdeur et les conflits incessants qui rendent le travail si pénible à Milan, Paris ou Londres». Bachler oriente nettement ses choix artistiques vers la modernité, engageant volontiers des hommes de théâtre qui ont quelque chose à dire sur l'époque contemporaine.

Cela donne des réussites majeures comme la mise en scène du Palestrina d'Hans Erich Pfitzner par Christian Stückl. Pour cet ouvrage créé à Munich en 1917 et discrédité par les choix politiques désastreux de son auteur, conservateur attiré par le nazisme, mais dont la musique post-wagnérienne bouleversa Bruno Walter, le metteur en scène munichois (décidément une affaire locale !) trouve l'équilibre entre ironie anticléricale et émotion sincère, dans des images expressionnistes qui créent un choc visuel.

Cela donne aussi des échecs, comme la production trop réaliste de la Jenufa de Leos Janacek par Barbara Frey, qui banalise des personnages universels. Et cela donne de ces spectacles qui divisent le public et la critique comme Lohengrin par le Britannique Richard Jones, mise en scène discutable au meilleur sens du terme, iconoclaste et flamboyante, d'une causticité cruelle qui déboulonne le mythe wagnérien pour en faire une noce chez les petits-bourgeois.

Excellents seconds rôles

Mais que l'on n'aille pas croire que l'Opéra de Munich ne s'intéresse qu'au théâtre. On y entend les plus belles voix du monde, à commencer par l'événement de l'été : le premier Lohengrin de Jonas Kaufmann, quintessence du ténor, lyrique et dramatique, viril et élégant, voix d'ambre et de velours, de métal et de lait. On attend toujours la première erreur de ce parcours exemplaire ! Ce qui n'est pas une raison pour oublier son Elsa, Anja Harteros, star en Allemagne, inconnue en France, soprano plus qu'ardente : incandescente. Eva-Maria Westbroek en Jenufa, c'est l'évidence d'une incarnation où la présence scénique est relayée par une voix glorieuse.

Munich, c'est aussi une troupe avec des seconds rôles de tout premier ordre, élément essentiel dans Palestrina où ils surpassent le ténor Christopher Ventris, qui n'a pas tout à fait les épaules taillées pour le rôle-titre. Munich, enfin, c'est un orchestre et un chœur alliant chaque soir endurance et fiabilité, quel que soit le chef : Kent Nagano, peu à son aise dans Lohengrin, Kyrill Petrenko, exceptionnel d'urgence dramatique dans Jenufa, Simone Young, qui vient souverainement à bout de tous les pièges de Palestrina.






 
 
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