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Le Monde, 28/11/2008 |
Marie-Aude Roux |
Beethoven: Fidelio, Paris, Palais Garnier, novembre/dècembre 2008
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Le ténor Jonas Kaufmann desservi par un "Fidelio" sans émotion
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Fête au Palais-Garnier, mardi 25 novembre, jour
anniversaire du patron de l'Opéra de Paris, Gerard Mortier, qui s'offrait
pour ses 65 ans - outre sa récente nomination à l'Opéra de Madrid - une
nouvelle production de l'unique opéra de Beethoven, Fidelio, il est vrai
absent à l'étal de la "grande boutique" depuis près de vingt-cinq ans.
La première était conjuguée au gala fringué, bijouté et bon enfant du
public de l'Association pour le rayonnement de l'Opéra de Paris (AROP), dont
on sait qu'il ne sifflera pas aux applaudissements. A l'entracte, quelques
rares âmes en peine - ceux qui n'étaient pas conviés au cocktail, lequel
eût, sans doute, adouci une pénible déconvenue - attendent la seconde partie
et le ténor prodigieux allemand, Jonas Kaufmann, actuellement sans rival
dans le rôle de Florestan.
MONSTRUEUX PIZARRO
La mise en scène du Néerlandais Johan Simons, déjà fauteur d'un Simon
Boccanegra d'assez triste mémoire en mai 2006, où Verdi se voyait dépêché en
pleine campagne électorale berlusconienne, pêche ici par trop de convenance.
Elle laisse la part belle aux décors froids et rebattus du Flamand Jan
Versweyveld, dont les lumières déshumanisent encore davantage cet enfer
carcéral de prison d'Etat avec guérite de gardien, cour des prisonniers,
grands escaliers plongeant au tréfonds des cachots.
Les costumes seraient anodins s'ils ne sombraient au final dans un
symbolisme ridicule, le triomphe de Leonore, femme travestie en Fidelio pour
sauver son homme emprisonné, faisant éclore sur tout un chacun des grosses
fleurs à la pseudo-Kenzo. Gerard Mortier a demandé à l'écrivain allemand
Martin Mosebach de réécrire les dialogues du Singspiel (comme La Flûte
enchantée, de Mozart, Fidelio fait appel à des textes parlés). Il s'ensuit
une flopée de sentences, histoire de surligner le message beethovénien,
contempteur de la tyrannie pour mieux exalter liberté, fraternité, amour et
droits de l'homme.
Mais c'est broutille en regard de la version proposée par le chef
d'orchestre Sylvain Cambreling. Passe encore une hasardeuse révision d'un
ouvrage dont la genèse prête, certes, à conjecture. Maintes fois remis par
Beethoven sur le métier entre 1805 et 1814, Fidelio possède en effet quatre
ouvertures et moult remaniements entre la première mouture de Leonore, la
seconde, en 1806, et une version finale rebaptisée Fidelio, rendue
officielle par l'usage. Rien n'interdit donc de commencer par l'ouverture
jamais donnée "Leonore 1" et de changer à des fins dramaturgiques l'ordre
des numéros musicaux. Mais pourquoi jouer Beethoven avec une telle
vulgarité, forcer le trait à ce point, si bien que le choeur final, qui
préfigure L'Hymne à la joie de la Neuvième Symphonie, complètement
tonitruant, peine à tenir un tempo de grosse cavalerie ?
L'erreur de casting qu'est le Fidelio d'Angela Denoke (courte de tessiture
et basse d'intonation) en paraîtra vénielle. Ce d'autant que le reste de la
distribution a fière allure. Monstrueux Pizarro d'Alan Held, démiurgique
incarnation du mal, auquel "s'opposent" la fille du geôlier (Marzellina
déliée de Julia Kleiter) et le geôlier lui-même - émouvant Rocco de
Franz-Josef Selig. Quant au Florestan de Jonas Kaufmann, son aura
tragique et lumineuse ferait presque oublier le Fidelio exemplaire que fut
le ténor Jon Vickers, dernier tenant du rôle à l'Opéra de Paris en 1982. |
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