Le Figaro, 27/11/2008
Christian Merlin
Beethoven: Fidelio, Paris, Palais Garnier, novembre/dècembre 2008
«Fidelio» sans le grand frisson
© fedephoto, Agathe Poupeney
Tout était réuni pour faire de la première de Fidelio l'événement lyrique de l'année. Le jour de son anniversaire, Gerard Mortier faisait enfin revenir le chef-d'œuvre de Beethoven au répertoire de l'Opéra de Paris, vingt-cinq ans après la dernière production. Une œuvre unique, que Mortier tient à monter dans chaque théâtre qu'il dirige, mais dont il attendait de réunir la conception scénique et la distribution idéales. Fut-on proche de l'idéal, lors de la soirée de gala de mardi soir, devant un parterre de smokings et de robes longues ? Non.

Pourtant, la distribution est magnifique. Dans les petits mais si beaux rôles de Marzelline et Jaquino, Julia Kleiter et Ales Briscein sont mozartiens sans mièvrerie. Le Rocco de Franz-Josef Selig est parfait, comme toujours, faisant passer toute son humanité dans sa voix. Pizarro exceptionnel d'Alan Held, voix héroïque et mordante pour composer un personnage bestial jusqu'à l'aliénation. Le Florestan de Jonas Kaufmann tient ses promesses dès son cri initial, ce « Gott » qu'il ose commencer piano avant de l'enfler jusqu'au fortissimo. Voix dense, sombre, charnue mais souple et constamment expressive : mémorable. Angela Denoke est une Leonore à l'ardeur panique mais intériorisée, toujours bouleversante. Même si elle le maîtrise mieux qu'il y a cinq ans à Salzbourg, le rôle demeure pour elle une limite extrême, un combat dont elle ne sort pas toujours vainqueur : les aigus sont escamotés, la justesse dérape, mais c'est le prix à payer pour une Leonore lyrique et frémissante.

Alors qu'est-ce qui fait que l'on quitte le Palais Garnier sans être bouleversé ? La mise en scène de Johan Simons, moderne dans sa lettre, reste classique dans l'esprit : elle évite la prise de risque que l'on associe au nom de Gerard Mortier. Si les caractères sont très bien dessinés (en particulier ceux de Pizarro et Rocco, d'un relief inhabituel), le décor blanc n'est pas assez oppressant et le propos dramatique n'explore guère de territoires inconnus, dans cette utopie de lumière et de ténèbres qui offre tant de lectures possibles.

Les nouveaux dialogues écrits par l'écrivain Martin Mosebach ralentissent l'action plus qu'ils ne la propulsent, leur côté didactique évoquant plutôt un commentaire de l'intrigue. Mais plus encore qu'une mise en scène un peu banale, mais somme toute cohérente et honnête, c'est la direction de Sylvain Cambreling qui coupe les ailes de la soirée. On y perçoit une contradiction entre le son très droit et tranchant, direct et dégraissé, que cultive le chef, et un tempo lent et statique, bridant trop souvent l'élan beethovénien au profit d'une mise à plat d'une grande sécheresse.
Le Figaro: LE REPERTOIRE LYRIQUE EN LIBERTE
La nouvelle production parisienne de l'opéra de Beethoven réunit un couple de voix enchanteur : le jeune munichois Jonas Kaufmann, sidérant de présence scénique lors de son récent récital parisien, et qui campe ici un Florestan ambigu et néanmoins attendu. Et en Léonore, sa compatriote Angela Denoke, fascinante Elina dans L'Affaire Makropoulos , en 2007 à Bastille.






 
 
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