ClassicToulouse
Robert Pénavayre
Verdi : La Traviata, Paris, Palais Garnier, 19 juin 2007
Requiem pour une môme dévoyée
Etrange, dérangeant et fascinant spectacle que celui proposé aujourd’hui par l’Opéra de Paris.
Cette Traviata de Verdi, Gérard Mortier l’a confiée au metteur en scène suisse Christoph Marthaler. Très rapidement la parabole est évidente, Violetta ne sera autre qu’Edith Piaf et Alfredo vraisemblablement Theo Sarapo, le dernier amant de cette dernière.

Le décor d’Anna Viebrock situe l’action dans le vestiaire d’un dancing, sous la lumière sordide de quelques immenses luminaires descendant du plafond. Les costumes relèvent tous de la haute couture d’une époque pas si lointaine, sauf qu’ils ne sont ici que les guenilles pathétiques d’un monde en proie à l’exhibitionnisme social. Certes, on peut être désarçonné par un second acte présentant Annina en train de repasser pendant qu’un copain d’Alfredo s’évertue à réparer la tondeuse à gazon.

Mais au-delà de ce qui peut apparaître comme futilement « mode », se cache une mise en scène au cordeau qui s’empare de chacun des personnages pour en faire les bouleversants héros d’une tragédie dont Verdi avait saisi toute la modernité.

Le talent fou de Christoph Marthaler en irritera certains, mais personne ne pourra nier la formidable émotion qu'il sait faire naître sur une scène au travers d’un discours peut être choquant mais formidablement cohérent.

Jonas Kaufmann, l’un des grands de notre temps

Dans un contexte pareil, il était indispensable de trouver deux artistes susceptibles de se couler dans une vision aussi décalée. Avec Christine Schäfer, Gérard Mortier tenait l’interprète idéale pour cette production, non qu’elle soit une Violetta de couleurs et d’accents très authentiques, mais quelle présence, quelle incarnation ! Un modèle d’intensité dramatique.

A ses côtés, le ténor Jonas Kaufmann est un Alfredo sidérant non seulement de présence (et quelle présence !), mais aussi de splendeur vocale. Et l’on ne sait quoi admirer le plus chez cet interprète doué d’une voix aux reflets mordorés, puissante et musicale (tout le duo final en demi-teinte !), parfaitement homogène, somptueuse de rondeur et de grain, assurément l’une des plus belles, dans cette tessiture, du moment.

Certes, on regrettera que José Van Dam tente encore, et en vain, l’aventure d’un Germont qui lui échappe aujourd’hui complètement, mais quel bonheur de retrouver Michèle Lagrange pour une Annina à l’humanité débordante.

D’excellents seconds rôles et des chœurs comme à l’habitude superlatifs complétaient la distribution d’un spectacle placé sous la baguette de Sylvain Cambreling. Ce dernier, à l’évidence, dirige plus La Traviata de Marthaler que celle de Verdi, ses tempi lents et funèbres conjuguant à l’infini la vision crépusculaire, sombre et violemment acerbe du metteur en scène.






 
 
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