Diapason, février 2007
Gaëtan Naulleau
Bizét: Carmen, London, ROH, décembre 2006
Don Jonas
Anna Caterina Antonacci, Jonas Kaufmann, Ildebrando d'Arcangelo : ces trois-là ont du sex-appeal, ça ne se discute pas. Et ce n'est pas un luxe pour Carmen. Autour d'eux, des petits rôles savoureux pour le spectacle de fin d'année de la Royal Opera House, notamment Fouchécourt, Bou et, pour Frasquita, Elena Xanthoudakis - elle a tout le charme qui manque à la Micaëla quelconque et mal chantée de Norah Amsellem. Dans la fosse, l'orchestre maison décidément somptueux, et Pappano, agité. Les grands gestes, oui, mais sans le nerf, la pulsation fine du chef-d'œuvre de Bizet.

A défaut de vision, Francesca Zambello a du savoir-faire. Un peu. Sa mise en scène remplit le contrat avec un âne, un poulet, un,beau,cheval noir sur lequel Escamillo entre en scène et chante ses couplets, des nuages de fumée à la sortie de la cigarerie, des mouvements de foule assez réussis, une fiesta spectaculaire à la taverne, une petite procession religieuse avant la corrida... Tout cela joliment aseptisé. Peu de caractère également pour le décor de Tanya McCallin, immense élément modulable auquel les lumières de Paule Constable et la profusion de costumes, certains dignes d'un Goya, donnent un peu de chair.

La soirée restera pourtant mémorable, pour un couple Carmen-José qui la transfigure. Sans surprise, Antonacci offre un idéal de déclamation. Le texte sonne avec une telle aisance que cette Carmen soprano ne manque jamais de volume - les graves de l'air des cartes sont des tombeaux, les "là-bas, là-bas" abandonnés en voix de tête un aphrodisiaque. Carmen charnelle évidemment, farouche virevoltante et personnage qui aime se donner en spectacle - interviewée Antonacci revendique cette dimension et l'assume en scène ! La torche vive aurait pu jeter dans l'ombre son partenaire : Kaufmann lui aussi triomphe. Et bouleverse. La qualité de prononciation, le charisme, la richesse psychologique, la ligne au bord des lèvres de "La fleur que tu m'avais jetée", sa densité sans poids, le corps à corps désespéré de la dernière scène, tout fait de lui et dès cette prise de rôle un de nos plus grands Don José. Pour l'heure, c'est en Alfredo qu'il nous arrive à l'opéra de Paris, et Antonacci en Rachel. En attendant qu'on les réunisse à nouveau dans une mise en scène plus inspirée.
Photo-Credits: Catherine Ashmore






 
 
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