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ResMusica, 26/09/2005 |
Peter Laska, Traduction : Andréas Laska |
Verdi: Rigoletto, Zürich. Opernhaus, 24-IX-2005.
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Un successeur pour Fritz Wunderlich
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Ce ne pouvait être Le Roi s’amuse. La censure à
Venise, occupée par les Autrichiens en cette année 1851, l’en empêcha ;
l’opéra s’intitule donc Rigoletto. Au lieu du coureur de jupons historique,
le roi François Ier du drame hugolien, c’est désormais un quelconque duc de
Mantoue de la famille des Gonzague qui brise le cœur de toutes les femmes
avec sa charmante voix de ténor. Le rôle-titre est Rigoletto, bouffon et
père clandestin.
Dans cette reprise d’une mise en scène de Gilbert Deflo, datant de 2003,
le ténor munichois Jonas Kaufmann fait ses débuts dans le rôle musicalement
si brillant du duc. Scéniquement, la direction des acteurs peu différenciée
de Gilbert Deflo ne lui permet qu’une approche routinière et peu
approfondie. Par contre, en ce qui concerne l’aspect vocal et
l’interprétation musicale, Kaufmann nous offre une prestation de grande
classe. Le ténor au répertoire stylistiquement très vaste connaît les règles
du phrasé verdien comme si le belcanto italien était sa spécialité. Il
dispose d’un timbre d’une grande beauté, d’aigus lumineux, de tendres piani
et pianissimi ainsi que de diminuendi à couper le souffle. Cependant, il
n’ose pas les ré bémol et ré suraigus, ajoutés par certains à la fin du duo
d’amour et à la fin de la Cabalette « Possente amor » du deuxième acte. Côté
interprétation, son portrait du rôle semble être axé sur trois passages clés
du texte : Dans la ballata du début, il admet son inconstance – « Nous
détestons la fidélité, ce tyran des cœurs, comme la peste » - dans le
récitatif du deuxième acte, il semble trouver la possibilité d’un amour
durable – « Où est celle qui la première a su allumer en moi la flamme d’un
amour durable » - avant de donner aux femmes la faute de ne pouvoir vivre un
véritable amour : « Comme la plume au vent, femme varie... ». Le premier duc
de Jonas Kaufmann est plus qu’une promesse. Le ténor allemand pourrait
devenir une star du répertoire italien - et Fritz Wunderlich aurait enfin
trouvé un successeur.
Dans le rôle de Gilda, la formidable soprano roumano-suisse Elena Mosuc
prouve son grand talent. Même un long contre-mi dans son air ne lui pose
aucun problème. En Rigoletto, Leo Nucci, le dernier grand baryton verdien
dans la tradition des Bastianini et Cappuccilli, nous offre une prestation
magistrale, scéniquement et vocalement, couronnée par des aigus fulgurants.
La direction du grand Nello Santi est d’un haut niveau, par moments pourtant
– la cabalette de la vengeance par exemple – plus routinière que géniale. La
mise en scène raconte largement l’histoire. Elle ne dérange pas, ses
modernismes (transposition aux temps de Verdis, pour les décors) n’affinent
pourtant pas le chef d’œuvre verdien. |
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