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Altamusica.com |
Yannick MILLON |
Mozart : l'Enlèvement du sérail, Kleines Festspielhaus, Salzburg,
25/08/2003
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Nouvelle production de l'Enlèvement au Sérail de Mozart au festival de
Salzbourg.
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Depuis la Chauve-Souris imbuvable et
prétentieuse de Neuenfels en 2001, Salzbourg n'avait pas connu pareil
scandale que cet Enlèvement qui a fait l'ouverture de l'édition 2003 du
festival. La mise en scène du jeune Norvégien Stefan Herheim, sans sérail,
sans enlèvement et sans Bassa Sélim, s'est attiré les foudres d'une grande
majorité des spectateurs.
Les lallations d'un bébé, Adam et Eve nus comme il se doit, bientôt
engloutis dans un groupe de futurs jeunes mariés ; comme si la question de
la fidélité et du triomphe de l'amour pour les personnages de Mozart se
superposaient à la capacité pour un homme et une femme de vivre ensemble,
pour le meilleur et pour le pire. Donc pas de sérail, ni d'évasion, et des
protagonistes qui prêtent tour à tour leur voix à un Bassa Sélim absent de
la mise en scène.
Le seul piège auquel sont confrontés les personnages est une sorte de rituel
initiatique ? merci la Flûte ? à travers les affres du mariage. Osmin, en
prêtre catholique, invoque Mahomet (!), et tranforme son Tralalera en
Alléluïa (!). Belmonte est englouti dans la terre quand il veut voir
Konstanze ? merci Don Giovanni ?, et ce n'est qu'à la fin du Singspiel
qu'Osmin célébrera l'union des deux couples, beaucoup moins enthousiastes
après les péripéties traversées.
Violence conjugale, société de consommation et électro-ménager, emménagement
dans une jolie maison bourgeoise, toutes les étapes de la vie de couple y
passent avec force gags : tapis volant, panne d'életricité entraînant
l'entracte en plein deuxième acte, massacres à la bouteille et au couteau
sur scène, tout cela conjugué à un dispositif audiovisuel efficace et une
régie parfaitement synchronisée. Mais le spectateur non germanophone est
largué dans des dialogues parlés très remaniés, en raison de l'absence
totale de surtitrage.
Le visuel suffit parfois ? hilarante scène Blonde-Osmin au deuxième acte ?
mais l'échange fréquent entre les deux couples ? merci Così ? reste obscur.
De même, l'inclination maladive de Konstanze pour la mort, ou l'envoûtement
par les poupées vaudou ? Ken et Barbie couronnant la pièce montée du
mariage. Beaucoup de trouvailles, une belle finition, une cohérence en soi,
mais nous sommes à mille lieux des préocupations de l'Enlèvement au Sérail
de Mozart.
Fumier !
Si la transposition dans une boutique de robes de mariées des Noces de
Christoph Marthaler fonctionnait à la perfection en 2001, celle de Stefan
Herheim, victime lui aussi du « syndrome Pronuptia » qui sévit à Salzbourg,
tire en permanence le texte, et s'avère ici incongrue. En résulte une salle
à l'ambiance particulièrement électrique où se font entendre à plusieurs
reprises quelques « Fumier ! ».
Heureusement, le plateau est irrésistible. Avant tout autre, l'Osmin de
Peter Rose, fantastique comédien, vraie basse bouffe qui avale ce rôle et
ses difficultés cul-sec : beau timbre, aigus conquérants, graves faciles,
jusqu'à un ré mordant. Le second couple, Pedrillo-Blonde, bénéficie des voix
de Dietmar Kerschbaum et Diana Damrau, qui pourraient aisément chanter le
premier couple tant leur prestation est désarmante de facilité et de classe.
Damrau campe une Blonde exubérante, dont la voix de soprano lyrique-léger
est à la fois ronde et brillante. Kerschbaum est un Pedrillo très présent,
qui vole la vedette à Belmonte par son panache, son timbre jeune et
lumineux, et ses la aigus vaillants.
Il en va de même de la Konstanze pétillante et diablement bien chantante
d'Iride Martinez, avec son timbre à la Dessay, ses aigus faciles et ses
vocalises très nettes. Il est dommage que Jonas Kaufmann grève la
distribution, avec son Belmonte trop héroïque, dont la voix, taillée pour
des rôles plus larges, est ici hors-sujet. Le ténor allemand chante trop
fort, faux dans les piano, et son timbre sombre est plus celui d'un Max ou
d'un Tannhaüser que d'un jeune premier mozartien.
Parfait classicisme
Quant à la direction d'Ivor Bolton, assez sévèrement décriée pour on ne sait
quelle raison, elle est une démonstration d'équilibre, de style mozartien,
et s'avère on ne peut mieux sonnante, grâce à un orchestre du Mozarteum en
forme olympique.
Le Mozart du chef britannique a juste ce qu'il faut de XVIIIe :
attaques-résonances courtes, cordes parcimonieusement vibrées, luminosité de
la petite harmonie, dont on notera le côté fastueux et le détachement très
net de la fosse. Dans des tempi toujours justes, ce Mozart est idéalement
classique, jamais inutilement surexcité comme l'est celui, beaucoup plus
acide, de Minkovski, tempérant un peu la fougue excessive de la scène et
assurant confort aux chanteurs.
Au final, on ressort du Kleines Festspielhaus ravi par un spectacle
musicalement réjouissant, mais dont la mise en scène, pourtant loin d'être
inintéressante, ne nous a pas fait assister à l'Enlèvement au Sérail, mais à
l'Enlèvement du Sérail. |
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