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Opéra, fevrier 2013 |
Laurent Barthel |
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Jonas Kaufmann - Wagner
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Ce
nouveau récital allemand de Jonas Kaufmann chez Decca accuse une nette chute
de standing par rapport au précédent, Sehnsucht, dont il recoupe le
programme pour le « Récit du Graal » de Lohengrin (voir O. M. n° 44 p. 75
d'octobre 2009). En effet, l'Orchestre du Deutsche Oper de Berlin, sous la
direction de Donald Runnicles, parvient difficilement à s'imposer par
rapport à l'approfondissement de tous les instants proposé naguère par
Claudio Abbado et le Mahler Chamber Orchestra. L'environnement est donc plus
conventionnel, pour une voix devenue plus ample mais qui garde ses
particularités. Techniquement, Jonas Kaufmann ne modifiera vraisemblablement
plus rien, et en particulier pas son habitude de pousser sa colonne d'air
vers l'arrière du palais, au lieu de l'amener à faire résonner l'avant du
visage. Dès lors, sa voix ne peut que s'assombrir de plus en plus, non pas
du fait d'un enrichissement en graves mais simplement parce que l'ensemble
manque de vibrations aiguës, comme si un technicien étourdi avait oublié de
déconnecter un Filtre passe-haut. Même si cette technique comporte des
aspects spectaculaires (un bel éventail de nuances, encore qu'élargi de
façon bizarre, en jouant surtout sur l'ouverture de la bouche), elle oblige
à forcer pour obtenir des sons parfois tubés et paraît, de ce fait, source
de fragilité... D'ailleurs, on s'aperçoit que, même en réécoutant ce récital
plusieurs fois, on passe trop de temps à étudier ces bizarreries sans
parvenir à en faire abstraction, preuve que tout cela reste assez
moyennement équilibré.
Cela dit, il y a l'instrument que l'on a et,
d'autre part, ce que l'on parvient à en tirer sur le plan musical. Et là,
Jonas Kaufmann a de vrais atouts à faire valoir, même si on continue à
penser qu'il s'agit davantage d'un chanteur passionnant à regarder en même
temps qu'on l'écoute (voir son récent Lohengrin à la Scala retransmis à la
télévision) que d'une véritable valeur sûre discographique.
Certains
extraits de ce programme fonctionnent bien (Siegmund, Lohengrin), mais
d'autres parassent vraiment contraints (Walther von Stolzing,Tannhäuser,
voire Siegfried) - la coexistence de trois rôles aussi disparates faisant
d'ailleurs un peu désordre, surtout quand le chanteur paraît à ce point
inadapté à chacun d'eux, semblant lancer des ballons d'essai qui laissent
dubitatif.
Par ailleurs, si le gruppetto toujours vétilleux de la «
Prière» de Rienzi est parfaitement exécuté, on se demande si ce n'est pas au
prix d'un tempo exagérément lent qui lénifie trop cette page magnifique. On
peut constater aussi, au-delà d'une belle qualité d'articulation, une
certaine complaisance dans l'émotion factice. Par exemple, le début du
«Récit du Graal », où un peu plus de naturel ne serait pas de
trop...Complément original, les Wesendonck-Lieder ont été très rarement
chantés par une voix masculine (Lauritz Melchior ou Placido Domingo pour
l'un ou l'autre, mais à peine). Ici, l'acclimatation paraît réussie, encore
que toujours au prix des mêmes compromis techniques discutables.
Un
disque irritant, mais qui ne décevra cer tainement pas les groupies du ténor
allemand.
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