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Classica, octobre 2013 |
Jérémie Rousseau |
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The Verdi Album
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si c'était là le chaînon discographique manquant ? Après Mozart, Schubert,
Wagner, les véristes, le lied et les inévitables pots-pourris, Jonas
Kaufmann brosse enfin un « tout Verdi », le compositeur qu'il a le plus
chanté jusque-là, depuis ses débuts dans Gaston de La Traviata (1995)
jusqu'à son premier Manrico munichois cet été. Mais voilà : quel Verdi
offrir aujourd'hui quand, saison après saison, l'ADN wagnérien s'affine et
s'affirme à tel point que le style, l'émission, les teintes mêmes du timbre
s'éloignent irrémédiablement du soleil de l'Italie ? Car le Verdi de Jonas
Kaufmann, avec ses particularismes de plus en plus criants, n'appartient
bien qu'à lui. Ainsi on pourra trouver d'emblée « La Donna e mobile »
caricaturale, désormais hors de ses codes et de ses cordes, trop pensée et
trop poussive ; Macduff ne convaincra pas davantage. Mais pour le reste,
comment résister plus de deux minutes aux beautés, aux audaces et aux
fulgurances de ce Verdi si personnel ? Dès « Celeste Aida », en dépit de
voyelles exagérément assombries, ligne, phrasés et dynamiques révèlent une
maîtrise à couper le souffle et des personnages fouillés —osera-t-on dire
psychanalysés — jusque dans leur tréfonds. Aucun des portraits ne verse pour
autant dans l'artifice tant le musicien, armé de sa culture et de sa
technique, détourne en orfèvre quelques règles élémentaires de la tradition
vocale verdienne ; on découvrira une romance de Rodolfo quasi schumannienne,
un Riccardo en plein spleen, un Manrico noir ou un Otello qui, sans le
moindre histrionisme et dans l'humble respect du texte, dégage une panique
et un vide existentiel terrifiant. Et puis, quelle électricité dans l'aigu,
lorsque l'héroïsme le réclame ! Devant pareil accomplissement, on se sentira
gêné pour lui d'avoir à supporter des choeurs de Piacenza et un orchestre de
l'Opéra de Parme aussi débraillés et peu professionnels. Sony n'avait donc
pas d'autre équipe — chef compris — plus digne de lui à offrir ? Quel
dommage.
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