ClassiqueNews, 12 novembre 2008
Elvire James
Timbre de caractère, au tempérament dramatique affirmé, le munichois Jonas Kaufmann réussit pleinement ce premier récital discographique, alliant vaillance et intériorité, sensibilité et naturel...
Jonas Kaufmann: Romantic arias
Ténor en gloire, de plus en plus célébré, déjà remarqué par la rédaction de classiquenews dans un très louable dvd de Fierrabras de Schubert, en provenance de l'Opéra de Zürich (2 dvd, Emi Classics), Jonas Kaufmann s'apprête à chanter Fidelio à l'Opéra Garnier (à partir du 25 novembre 2008) avec ce feu et cet engagement vocal qui le distingue indiscutablement. Né le 10 juillet 1969; l'ancien étudiant élève à la Hochsschule für Musik de Munich, ville natale de Richard Strauss, a été révélé en particulier depuis 1993 lorsqu'il remportait le Concours Meistersinger de Nuremberg.

Que vaut ce premier récital chez Decca, le label des plus grandes voix lyriques d'aujourd'hui? Aigu rond et placés, graves amples sans appui, avec cette égalité des registres, le ténor allemand relève le défi d'un album jonché de pépites qui pouvaient se révéler obstacles et pièges. A contrario d'une chaleur typiquement italienne qui s'appuie sur l'ouverture lumineuse rayonnante des voyelles, le timbre et le jeu de Kofmann se distignuent par une couleur sombre, une densité virile qui en font un vrai ténor germanique. Son Rodolfo (La Bohème) est d'un romantisme austère mais d'une redoutable vérité dramatique, comme son Duc de Mantoue (Rigoletto), certes plus goethéen que verdien, mais oubliant la couleur tissée d'un noir ténébreux, l'élégance de la pose séduit sans réserve. Ses français son remarquables: racés, de haute tenue, dans le panache et la vérité émotionnelle: son Don José: "La fleur que tu m'avais jeté", (Carmen de Bizet) distille ce poison qui coule dans les veines du brigadier désormais sous envoûtement. Dans sa langue natale, Jonas Kaufmann se montre encore plus à son aise: projetant avec éclat, le relief linguistique des rôles: "Ach! so fromm" extrait de Martha de Flotow, est une révélation dans une partition trop peu jouée, hélas: articulation impériale, abattage félin et électrique même, en fin de prestance... Comme ce chant appelle naturellement la scène. Autant d'intelligence psychologique profite aussi dans le sillon de Don José, à ses autres rôles français. Même brûlures d'ailleurs, dans son Werther de Massenet: "Pourquoi me réveiller..."

L'invocation panthéiste de Faust (La Damnation de Faust de Berlioz): "Nature immense, impénétrable et fière", se répand dans l'espace comme une vaste et fervente prière romantique... Cet aplomb dramatique est d'autant plus convaincant que l'orchestre Philharmonique de Prague, sous la baguette nerveuse de Marco Armiliato, sait porter le chanteur, et dialoguer avec son embrasement vocal. Premier récital réussi et nouveau ténor à suivre dans l'écurie Decca, aux côtés de Juan Diego Florez, ou Joseph Calleja. Demain, en 2009, Jonas Kaufmann fera ses débuts dans Lohengrin de Wagner (à l'été à Munich)... Les fans de son charisme vocal et scénique le retrouveront en Don José, avec bénéfice dans le dvd Carmen paru chez Decca, avec comme partenaire, Anna Caterina Antonacci. Autre indispensable.

Jonas Kaufmann, ténor: Romantic arias. Puccini, Bizet, Flotow, Verdi, Weber, Massenet, Gounod, Wagner... Prague Philharmonic Orchestra. Marco Armiliato, direction.






 
 
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