Diapason, November 2008
Michel Parouty
 
nouveauté: Romantic Arias
Airs de La Bohème, Carmen, Martha, Tosca, Don Carlos, Le Freischütz, La Traviata, Manon, Rigoletto, Faust, Les Maîtres chanteurs de Nüremberg, La Damnation de Faust, Werther.
Jana Ribera (soprano), Orchestre philharmonique de Prague, Marco Armiliato. Decca 4759966, distr. Universal.
Ø 2007. TT:1 h 05’. TECHNIQUE :8,5/10
Bel espace sonore, avec une grande profondeur et un très bel équilibre spectral. Voix bien intégrée à l’orchestre. Grande dynamique.

Au disque plus encore qu’à la scène, Jonas Kaufmann surprend. Le récital s’ouvre sur le « Che gelida manina » de La Bohème: on n’est guère habitué dans Rodolfo — mais aussi dans tout le répertoire italien — à un timbre aussi sombre, grave, dense, à une émission qui paraît difficile mais qui, en fait, est sévèrement contrôlée et concentrée. On s’en est rendu compte lors des représentations de Traviata à Bastille : le plus sexy des ténors d’aujourd’hui est prêt, désormais, pour des emplois plus lourds qu’Alfredo ou le Duc de Mantoue. Il ne lui faut pas longtemps, toutefois, pour arriver à convaincre. Par sa musicalité, d’abord : le phrasé, minutieux, est raffiné, aucun excès pseudo-théâtral ne vient troubler la ligue mélodique. L’expression, pour Kaufmann, passe par les nuances, et la dynamique.

Le plus étonnant, c’est que même dans ce premier récital au programme fourre-tout, il arrive à faire vivre ses personnages. Sans doute le charmant Lionel de Martha n’en demande-t-il pas tant, encore qu’un bref moment la folie l’égare. Mais Cavaradossi ne peut cacher son désespoir, pas plus que Carlos, et la passion du Duc, contaminée par la névrose, n’est pas seulement celle d’un bourreau des coeurs. La pertinence psychologique avec laquelle les personnages sont incarnés révèle, dans les airs français, une rare intelligence du texte : enfin un Don iosé qui ne hurle passa note finale et qui a compris l’importance, dans la dernière phrase, du mot «chose s, un Des Grieux, un Faust (Gounod) qui sont bien plus que des jeunes premiers, et portent en eux toute l’histoire d’un homme, un Faust (Berlioz) qui possède l’exacte stature d’un héros romantique, un Werther visionnaire et déchirant.

Contre toute attente, l’opéra allemand est ici le moins représenté. Mais Max du Freischütz et surtout Walther des Meïstersinger (un chant de concours idéal, qui transporte dans un autre monde) sont une porte ouverte sur l’avenir. Kaufmann, qui rappellera peut-être à certains des interprètes d’obédience germanique, tel le Danois Helge Rosvaenge, aura ses francs détracteurs et ses chauds partisans. Mon camp est déjà choisi. Car des chanteurs de cette trempe, il n’en existe pas beaucoup. Au pupitre d’un orchestre dont on apprécie la souplesse, Marco Armiliato se montre un guide attentif.
 
 
 






 
 
  www.jkaufmann.info back top