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Anaclase |
par katy oberlé |
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Giacomo Puccini, airs d’opéra
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Après
les récents albums Wagner et Verdi, c’est sur Giacomo Puccini
que notre grand ténor allemand jette son dévolu. Accompagné par
la fort chatoyante sonorité de l’Orchestra dell'accademia
nazionale di Santa Cecilia, Jonas Kaufmann signe The Puccini
Album qui le replace dans la tradition lyrique, après le curieux
Du bist die Welt für mich, pas de côté ou private joke plutôt
déconcertant [lire notre chronique du 23 mai 2015].
Faut-il s’étonner que la part la plus belle y soit faite à Manon
Lescaut, à compter sans doute parmi les ouvrages les plus
faibles du compositeur toscan ? Faible, c’est incontestable,
mais qui offre des moments de bravoure mettant en vedette un Des
Grieux particulièrement vaillant, on ne saurait le nier. Après
un Donna non vidi mai où le brio de la voix le dispute au
moelleux de l’orchestre, sous la baguette inspirée d’Antonio
Pappano, la tension dramatique du duo de l’Acte II est plus
intéressante, bien que le soprano Kristine Opolais ne s’y révèle
guère une héroïne idéale, avec une ligne peu orthodoxe, et un
italien embué. Ce digest se poursuit avec Ah, Manon, mi
tradisce, où Kaufmann use d’une couleur formidablement
expressive, soutenue par un Pappano joliment lyrique. Voilà
l’auditeur propulsé dans le troisième acte, l’amoureux rejoint
par le solide baryton-basse Antonio Pirozzi et un Coro
dell'accademia nazionale di Santa Cecilia irréprochable.
Trois raretés jalonnent ce disque. De La rondine (1917), opéra
plutôt mal fagoté, avouons-le, nous entendons Parigi! È la città
dei desireri noblement infléchi, qui laisse judicieusement
deviner les espoirs de Ruggero. Pappano ménage un velours
instrumental des plus plaisants. Retour vers le passé, avec
Edgar (1889), drame qui puisait chez Musset. L’introduction de
l’air Orgia, chimera dall’occhio vitreo fait l’objet du plus
grand soin, et le ténor, palpitant d’émotion, captive
tout-à-fait : vigueur et fermeté, puis une souplesse caressante
font les délices de ce passage. Remontons encore le temps,
lorsque l’Italien écrivait son premier opéra, à vingt-cinq ans :
Le villi (1883) puise son romantisme dans la veine fantastique.
En flirtant à juste titre avec une verve déjà pré-vériste, le
chanteur convainc aisément dans unTorna ai felici di, romance
tragique qui constitue le sommet de ce récital.
Passons
aux œuvres plus souvent jouées, avec deux extraits du Trittico,
créé fin 1918 à New York. L’air déchirant de Luigi du Tabarro
fonctionne parfaitement, quand le Rinuccio du truculent Gianni
Schicchi fait merveille : chanté comme ça, l’hymne à Florence
laisse pantois ! Huit ans plus tôt, le Metropolitan Opera
donnait le jour à La fanciulla del West qui, depuis quelques
années, retrouvent les honneurs de la scène [lire nos chroniques
du 4 février 2014 et du 26 février 2013, ainsi que nos critiques
DVD des productions de Christof Loy, Giancarlo del Monaco, Ivan
Stefanutti et Nikolaus Lehnhoff]. Or son sei mesi, récit du
destin prédestiné de Ramerrez, jouit d’une interprétation
poignante, extrêmement nuancée. L’ultime requête du condamné,
Ch’ella mi creda libero, gagne le niveau de Torna ai felici di
(Le villi). Si mes articles sur les albums monographiques
précédents émettaient diverses réserves, je m’avoue cette fois
pleinement conquise [lire notre critique des CD Verdi et
Wagner].
Les grands tubes pucciniens, maintenant. Si la
fougue du bref Addio, fiorito asil de Madama Butterfly manque de
tendresse, c’est dans le savoureux O soave fanciulla de La
bohème qu’on la rencontre, douceur quasiment divine, conjuguée à
une ardeur qui fait plaisir à entendre – on en reprendrait,
tiens ! Dans les mêmes années, Tosca et un enthousiaste
Recondita armonia. Enfin, c’est l’inachevé de Puccini qui
conclut le disque. Du premier acte de Turandot, l’on goûte un
Non piangere, Liù de toute beauté (qui laisse basse et soprano
sur le bas-côté) : la voix est suave, l’inflexion passionnée, de
même que l’orchestre italien. Pour finir, halte méditative dans
l’action, Nessun dorma, qui donne son titre à l’album.
Superlatif !
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