Classic Toulouse
Robert Pénavayre
 
Un monument de musique et d’émotion
COUP DE CŒUR
Nous tenons là, vraisemblablement, l’une des captations vidéo majeures de l’ultime ouvrage du magicien de Bayreuth. Et peut-être bien le sommet de la vidéographie de cet opéra. Tout est ici présent pour justifier cet enthousiasme : production, distribution, direction. Nous le savons bien, il est difficile de réunir ces trois éléments à un même niveau d’exception. C’est pourtant ce que vient de réussir le célèbre temple new yorkais de l’art lyrique, plus que jamais sur la plus haute marche du podium opératique mondial.

Ce 2 mars 2013 est donc à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de ce théâtre. Ce soir-là une conjugaison miraculeuse de talents est venue rendre hommage à cette cérémonie lyrico-mystique qui fut un temps l’exclusivité de Bayreuth. Magnifiée par une captation vidéo d’une formidable acuité, cette production, créée à Lyon en avril 2012, prend sur la gigantesque scène du Met toute son ampleur. Loin de tout braquage intello-métaphysique, le travail de François Girard (metteur en scène) explicite le cheminement de chacun des protagonistes d’une manière formidablement limpide. Seule option étrangère à l’œuvre, la présence d’un groupe de femmes toutes de noir habillées et voilées, occupant, dès le Prélude du 1er acte une partie de la scène, séparées des hommes, chemise blanche et pantalon noir, par une crevasse infranchissable…

C’est pourtant en donnant la main à Kundry au dernier acte que Parsifal lui permettra de franchir cet obstacle, réunissant de facto l’ensemble de l’Humanité. Les projections de Peter Flaherty, faites de nuées et de planètes, situent bien l’action dans ce lieu sacré dédié au culte de Dieu et du Sauveur. Nous sommes ailleurs. Point de repères sécurisants ici, tout est dans cette musique des sphères et un livret d’une teneur spirituelle sans équivoque. Croyant ou pas, il est impossible à quelque personne sensible de réfréner une larme, voire plus, tout au long de ce spectacle.

Jonas Kaufmann, tel un archange

Cette émotion est d’autant plus prégnante que la direction d’acteurs, vue au plus près par le filtre de la caméra, est impérieuse et d’une intensité sidérante. N’hésitant pas à s’exposer torse nu pendant une grande partie de la soirée, Jonas Kaufmann incarne Parsifal comme il sera difficile dorénavant de l’imaginer autrement. Tragédien habité, le chanteur allemand déploie ici un ténor d’une force incroyable dans le second acte, réservant pour le final des notes suspendues dans les limbes d’un autre monde, celui dont nul mortel n'approche (Lohengrin, 3ème acte). La performance est tout juste incroyable. Tout comme son Werther, il marque au fer rouge ce rôle. Ne lui cédant en rien, Peter Mattei, autre tragédien bouleversant, incarne un Amfortas suicidaire au baryton généreux et conduit admirablement. René Pape, sans peut-être rappeler les grandes basses wagnériennes du passé qui ont illustré Gurnemanz, donne le meilleur de lui-même dans un haut médium et un aigu d’une puissance souveraine soutenus par un souffle d’une belle ampleur. Katarina Dalayman, somptueuse Brünnhilde, se hasarde dans le rôle de falcon de Kundry avec, évidemment, des aigus glorieux dans le second acte, sans cependant la noirceur de timbre qui convient à ce personnage ambigu. Evgeny Nikitin ne fait qu’une bouchée de Klingsor, le parant d’un impact vocal d’airain. Jusqu’aux plus petits rôles, le Met aligne l’excellence. Il en est ainsi également des superbes phalanges chorales, mises fortement à contribution scéniquement.

La direction de Daniele Gatti fait débat. Bien sûr, il serait vain d’ignorer sa lenteur. Certains teutons ont fait pire en termes de timing ! Tout l’intérêt de cette option est, d’une part, de respirer profondément avec l’œuvre et les évènements, voire avec le public soumis ici à des chocs visuels et émotionnels sans précédents, d’autre part, de « clarifier » cette musique en la rendant d’une merveilleuse transparence sonore à mille lieux d’une lourdeur dont certain pays s’est fait une spécialité. Bien entendu cela n'enlève rien au prisme complexe et d’une richesse infinie de cette partition dont tout le dynamisme est formidablement rendu. Un DVD indispensable !








 
 






 
 
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