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Classique News, 08.03.2014 |
par Guillaume-Hugues Fernay |
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Parsifal (Kaufmann, Mattei, Pape, Gatti, 2013)
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De
toute évidence, dans le rôle-titre, le ténor Jonas Kaufmann (44
ans en 2014) poursuit l’une des carrières wagnériennes les plus
passionnantes : superbe Siegmund au disque (Decca), éblouissant
Lohengrin à Bayreuth, son Parsifal new yorkais touche par sa
sobriété, sa musicalité envoûtante qui dévoile l’intense et
juvénile curiosité du jeune homme enchanteur, qui tourné vers
l’Autre, assure l’avènement du miracle final. Le munichois né en
1969 incarne un héros habité par un drame intérieur, tragédien
et humain, celui qui recueille et éprouve la malédiction de
l’humanité pour la sauver…. par compassion, maître mot de la
dernière partition de Wagner.
La perfection au
masculin Il y a toujours chez le compositeur et
particulièrement dans Parsifal le poids d’un passé immémorial
qui infléchit le profil psychique de chaque personnage. Le seul
affranchi d’un cycle de malédictions fatales reste le pur
Parsifal, l’étranger, l’agent de la métamorphose espérée,
ultime. La production du Met a été créée en 2012 à Lyon
(coproduction). Peter Gelb en poste depuis 2006 l’intègre au Met
dans une distribution assez époustouflante et certainement mieux
chantante et plus cohérente que celle française. Ni trop
chrétienne ni trop abstraite, la mise en scène de François
Girard reste claire, sans en rajouter, centrée sur la
possibilité pour chacun – pourtant détruit ou rescapé (Amfortas,
prêtre ensanglanté et mourant qui agonise sans cicatriser ;
Klingsor qui a renoncé à l’amour pour détruire et manipuler
(Evgeny Nikitin assez terne) ; Kundry la vénéneuse, pêcheresse
éreintée en quête de salut…, de renaître.
Efficace, la
direction de Daniele Gatti sait imprimer le sens du rythme
dramatique sauf au II où malgré la puissance sauvage et
sensuelle à l’œuvre, la baguette étire au risque de diluer. Il
est vrai que, – hier à Bastille Brunnhilde un peu courte,
Katarina Dalayman accuse une sérieuse étroitesse émotionnelle et
langoureuse en Kundry : on reste comme Parsifal étranger à sa
froideur voluptueuse. Elle est, avec Nikitin trop prosaïque et
rustaud, le maillon faible du plateau. Même les filles fleurs
sont tout sauf énigmatiques et sensuelles, … une mêlée de
glaçons bien ordinaires.
Les hommes en revanche sont…
parfaits. René Pape familier du rôle et sur les mêmes planches
métropolitaines offre son dernier Gurnemanz, racé, articulé,
nuancé : un modèle dont on ne se lasse guère. Déjà honoré et
salué pour un Onéguine fabuleux et un Don Giovanni non moins
ardemment défendu, Peter Mattei décroche lui aussi la timbale
d’or : son Amfortas exprime le désarroi d’une âme perdue,
déchirée, anéantie et même le Titurel de Runi Brattaberg emporte
l’adhésion par sa noblesse sans chichi : une humanité
souterraine qui sait chanter sans schématiser ni caricaturer.
Quels chanteurs !
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