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Forum Opera, 15 Septembre 2017 |
Par Laurent Bury |
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Le Jonas d'hier, le Kaumann de demain
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Si
vous êtes kaufmannolâtre inconditionnel, ne lisez pas ce compte rendu. Pour
vous, le dernier disque de « JK » est forcément sublime et ne doit susciter
que terreur sacrée, qu’admiration éperdue. Si vous admettez en revanche que
le soleil puisse avoir des taches, vous consentirez peut-être à lire la
suite de ce papier.
Etre tous les ténors possibles de l’opéra
français est bien sûr une gageure. Qui a jamais pu être simultanément Nadir
et Enée ? Ce récital nous montre le ténor que Jonas Kaufmann n’est déjà
plus, celui qu’il est, et le chanteur qu’il deviendra peut-être. Bien sûr,
il est difficile d’être à la fois qui l’on a été et qui l’on voudrait être,
mais ce n’est pas si simple, et le plus réussi n’est pas forcément où on
l’attend.
Le disque commence très mal. Les premiers instants de l’air
de Roméo font craindre le pire, et donnent raison aux adversaires du ténor
allemand, car on croit entendre le père Capulet plutôt que le fils Montaigu.
Quoi, Roméo, ce vieillard, ce baryton amoureux ? Où est la jeunesse dans
cette voix, la lumière qu’on voudrait entendre chez ce personnage ? Même
chose pour le duo des Pêcheurs de perles : si vous tendez l’oreille, vous
entendrez peut-être la différence entre Nadir et Zurga (peut-être aurait-il
fallu comme partenaire une basse profonde, plutôt que Ludovic Tézier). On
frémit à l’idée de ce que donnerait la romance du héros, ainsi interprétée.
Quant à Werther, si le ténor avoue avoir beaucoup écouté Georges Thill, il
n’a certes pas cherché à l’imiter.
Bizarrement, et contre toute
attente, l’air de Mylio passe plutôt bien. Dans le livret d’accompagnement,
le ténor explique qu’il le travailla au conservatoire lorsqu’il avait une
vingtaine d’années, parce qu’il avait « des aigus faciles ». Et il rappelle
opportunément qu’il chanta dans Mignon son premier grand rôle français, à
Toulouse en 2001. Quinze ans après, a-t-il encore la voix nécessaire pour
Wilhelm Meister ? Pas sûr. Les détracteurs trouveront aussi du grain à
moudre dans un certain abus du détimbrage (voir la reprise du couplet dans «
Rachel, quand du seigneur »). Quelques aigus paraissent curieusement
décolorés.
De manière assez logique, ce qui fonctionne le mieux, ce
sont les airs qui coïncident avec le répertoire actuel de Jonas Kaufmann :
le Don José qu’il est régulièrement, le Cid qu’il pourrait être (mais que
donnerait-il dans « O noble lame » ?). On pourra aussi accepter un Des
Grieux plus mûr qu’à l’accoutumée, même si Sonya Yoncheva est une Manon un
peu froide. Quant à l’Hoffmann que le ténor aurait dû être à Paris,
l’extrait retenu pour ce disque n’apporte pas grand-chose – pourquoi n’avoir
pas choisi l’air de Kleinzach ? certes, il aurait fallu un chœur –, et l’on
regrette certains choix du programme, qui privilégient les tubes les plus
fréquentés : au disque, il aurait quand même dû être possible de tenter la
cabalette de l’air d’Eléazar, et il est dommage que n’ait pas été conservée
l’idée d’enregistrer le duo des Huguenots.
Heureusement, ce récital
se conclut infiniment mieux qu’il ne démarre. On sait depuis plusieurs
années que Berlioz convient bien à la voix de Jonas Kaufmann. Son Faust est
bien connu, et l’on entend ici quel bel Enée il pourrait être, s’il tentait
l’expérience après l’annulation de sa participation à la production
londonienne des Troyens. La diction française est, de manière générale, très
bonne, mais elle devient parfois un rien plus exotique (aurait-il trop
écouté Alfredo Kraus pour Nadir ?). La direction de Bertrand de Billy,
globalement lente et placide, est rehaussée par quelques accents soulignant
ici et là certains traits orchestraux. Maintenant, le public français peut
attendre le moment de vérité, le Don Carlos que Jonaaaaas sera bientôt à
Bastille.
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