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Diapason |
Sylvain Fort |
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Diapason d'or - Freudvoll und Leidvoll
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Enregistré
en juin 2020 à Beccult, Pöcking (Allemagne) par Jakob Händel. Même si la
définition des timbres est satisfaisante, le chanteur et le piano ne
semblent pas dans le même espace. Quoique de bonne facture, l'image globale
de la voix, plaquée sur un instrument en trop grand proximité avec les
micros (ce qui entrave son rayonnement), manque de réalisme.
je n'ai
pas toujours été très convaincu par les disques que Jonas Kaufmann a
consacrés au lied. Le remarquable (Winterreise) y alterne avec le
contestable, comme son dernier album, pot-pourri né du confinement (« Selige
Stunde », cf. n°693). En juin 2020, le ténor retrouvait en studio Helmut
Deutsch pour un projet ambitieux. Les lieder de Liszt sont une série de
hauts sommets requérant non seulement amplitude et longueur de souffle, mais
une capacité de modelé qu'on ne retrouve guère que chez Richard Strauss.
Le ton est donné dès le premier lied. De Vergiftet sind meine Lieder,
Kaufmann offre une lecture d'une intensité héroïque. Ce parti pris ne le
quittera plus, et il est extrêmement légitime : la vocalité lisztienne
mobilise des ressources quasi wagnériennes. Lorsque le lyrisme simple ou
l'effacement un peu rêveur sont de mise, le ténor trouve des mi-voix assez
fabuleuses (O lieb'), et lorsque la narration prend le dessus (Ihr Glocken
von Marling), il démontre une confondante aisance dans la caractérisation,
non par l'effet appuyé, mais par le sortilège d'une présence incomparable.
Tout à son récit, il nous y engage par simple contagion. On aurait pu croire
que les Pétrarque, stratégiquement situés en milieu de programme, en
seraient le sommet. Sommet, ils le sont : les deux artistes y concentrent
une alchimie rare de force, de théâtralité et de suggestion, se jouant de
difficultés redoutables. Le sommet véritable cependant se situe à la fin.
Ich möchte hingehn, Der du vom Himmel bist (les deux versions), Über allen
Gipfeln ist Ruh rencontrent un Kaufmann inspiré, dont la capacité
émotionnelle soudain se délivre entièrement.
Il faut écouter
attentivement cette façon de mêler retenue expressive et plénitude sensible,
comme pour saturer l'interprétation d'affect sans rien surjouer. Kaufmann
est de ceux qui parfois chantent l'opéra comme ils chantent le lied. Ici, il
chante aussi le lied comme il chante l'opéra : en ne renonçant pas à ses
immenses moyens, mais en cherchant la fêlure, la faille, la fragilité qui
s'avoue — et Helmut Deutsch tient cela dans le creux de ses deux mains
fraternelles. Admirable.
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