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ResMusica, 9 décembre 2020 |
par Pierre Degott |
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Noël avec Jonas Kaufmann, du clinquant à l’intime
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Deux heures de musique avec Jonas Kaufmann et divers accompagnateurs pour fêter Noël. Du clinquant à l’intime, chacun devrait trouver son compte dans ce programme éclectique. |
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Depuis
l’avènement du microsillon, l’album de chants de Noël semble être devenu
une étape obligée du parcours de tout grand chanteur lyrique sous
contrat avec une firme discographique : Elisabeth Schwarzkopf, Joan
Sutherland, Renata Tebaldi ou Leontyne Price chez les sopranos, Carlo
Bergonzi, Placido Domingo, Luciano Pavarotti, José Carreras ou Roberto
Alagna chez les ténors, toutes et tous se sont pliés à l’exercice
consistant à célébrer la magie de Noël sur fond de déferlements de
trompettes, de dégoulinements de harpe ou de chœurs de bambins
angéliques. Kathleen Battle, accompagnée d’une simple guitare, avait su
autrefois jouer la carte de la sobriété.
Vu la réputation dont il
jouit en ce moment, ainsi que le tournant médiatique que semble prendre
sa carrière aujourd’hui, il n’était pas étonnant que Jonas Kaufmann
vienne lui aussi proposer sa contribution. Voilà qui est donc fait, avec
ce double album paru chez Sony, album dont le packaging soigné mettra
les inconditionnels du grand ténor aux anges. Le livret propose même
plusieurs photos de Jonas à huit ans, ébaubi devant le sapin familial et
le déguisement de son grand-père en Père Noël. En prime, les recettes
des petits gâteaux préférés de notre superstar. À vos fourneaux !
C’est à plus d’une quarantaine de titres qu’est convié l’auditeur
d’un produit visiblement destiné à satisfaire un public très
international, rompu aux différentes traditions musicales de Noël. Ceci
expliquera peut-être l’impression de fouillis qui se dégage d’une
programmation pas toujours cohérente, issue de plusieurs sessions
d’enregistrement dont les plages qui en résultent se retrouvent
allègrement mélangées entre elles. Aux chants traditionnels, mis en
boite avec l’orchestre du Mozarteum de Salzbourg, se rajoutent quelques
tubes anglophones donnés avec le Studio Big Band de Cologne, et au
sommet desquels culmine le célébrissime « All I Want for Christmas is
You » de Mariah Carey. Intercalés ici et là, quatre morceaux chantés
avec accompagnement de harpe complètent un programme pour lequel on
aurait souhaité plus d’explications que ce que nous en dit le texte de
Kaufmann, consacré aux coups de cœur du grand ténor. Ce micmac
discographique vaudra à l’auditeur deux versions séparées de « Douce
nuit, sainte nuit » – l’une en allemand, l’autre en anglais –, ainsi que
deux plages du traditionnel « Stil, stil, stil », l’une avec harpe,
l’autre avec orchestre. Certains morceaux, conformément à une tradition
désormais solidement ancrée, alternent des strophes en plusieurs
langues, tels « Minuit, Chrétiens » d’Adolphe Adam qui devient
soudainement « O Holy Night », ou « Adestes fideles » qui démarre en
latin pour se poursuivre en allemand et en anglais. Bref, quels que
soient vos chants préférés, que ce soit « Mon beau sapin », « Douce nuit
» ou « Les anges dans nos campagnes », vous trouverez forcément, au
moment d’allumer le sapin, votre compte dans ce fourre-tout musical.
Peut-on encore, dans de telles circonstances, parler de succès
artistique ? Le grand Heldentenor du moment a forcément tout ce qu’il
faut pour entonner les chants de Noël les plus triomphants : « Engel
haben Himmelslieder », « Hark ! The Herald Angels Sings », « Adestes
Fideles », « Tochter Zion », « Minuit, Chrétiens » sont abordés de façon
presque martiale. Kaufmann n’est évidemment pas responsable des
orchestrations clinquantes ou sirupeuses qui marquent la plupart des
chants traditionnels réunis ici. On a vu pire ! Car on aurait tort de
bouder son plaisir. Et l’on ne peut que s’incliner devant la qualité de
la diction qui fait qu’on ne perd aucun mot, ni en allemand, ni en
anglais, ni en français. La mezza voce est sublime et, contrairement à
certains de ses confrères, ce n’est pas par un falsetto détimbré que
Kaufmann exprime la tendresse et la sincérité des morceaux les plus
intimes. Nos pièces préférées ? Les quatre numéros accompagnés de la
harpe de Florian Pedarnig, chantés dans un allemand dialectal tout
simplement craquant. En partie siffloté et chanté dans un américain plus
vrai que nature, le « White Christmas » de Irving Berlin vous fera
carrément chavirer. Jonas Kaufmann dans la comédie musicale américaine ?
Sans doute un programme à concocter pour l’album de la prochaine saison.
On en rêve déjà. Pour les chants de Noël, on aimerait que les éditeurs
aient un jour l’audace de nous faire une proposition un peu plus
authentique, pour ne pas dire « historiquement informée ».
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