Diapason, 11/2016
Emmanuel Dupuy
 
Fidelio
Pour cette production de Festival de Salzbourg 2015, Claus Guth refaisait le coup du drame bourgeois alla Strindberg. Tout se passe donc dans un intérieur bourgeois (au milieu duquel trône un monolithe emprunte à 2001, l'Odyssée de l'espace) où -tous les personnages, même les valets, sont habillés en bourgeois — les prisonniers arborant des tenues blanches façon ordre du Temple solaire. On est si loin du contexte et des caracteres originaux qu'on n'y comprend plus grand-chose, et ce n'est pas le double de Leonore s'exprimant en langage des signes qui peut nous éclairer. Certes, vous trouverez toujours de beaux esprits pour louer la force d'une direction d'acteurs convulsive, surlignee jusqu'à la caricature, ou pour s'ébahir aux longs silences et aux bruitages façon film d'horreur (grincements, vent dans les arbres, etc.) qui brisent l'élan des dialogues parlés.

La direction de Welser-Môst, comme pour s'accorder à cette sinistre pantomime, joue la carte de la méditation métaphysique, nous laissant le temps de goûter les splendeurs des Philharmoniker. C'est surtout dénervé et sans tension, hormis une liesse finale laissant enfin exulter les vertiges de l'orchestre beethovénien.

On se console un peu avec le chant, les seconds rôles étant finement distribués — mention particuliere pour le Rocco tout en onction de König. Bien que faible du grave (défaut partagé avec le Fernando de Holecek) Konieczny crache sans pudeur le venin d'un Pizarro détestable, donc délectable.

Outre quelques aigus vrillés, la Leonore de Pieczonka souffre d'une certaine nonchalance de l'expression qui ne la rend guère passionnante. Que les fans de Jonas se rassurent : leur idole est egale a sa légende, Florestan dont les extases poètes ne se laissent jamais troubler par une puissance à l'impact irrésistible — ce que l'on sait depuis la parution d'une video dirigée par Harnoncourt (Arthaus, 2004). Maigre bilan cependant, qui ne remet pas en cause, côté DVD, la suprematie d'une fameuse soirée viennoise portée au triomphe par Bernstein (Otto Schenk pour la mise en scène, DG 1978).






 
 
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