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Forum Opera, 07 Octobre 2016 |
Par Christophe Rizoud |
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Si vous n'êtes napolitain...
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Dépassionnons
pour commencer la discussion : oui, Jonas Kaufmann est un ténor
sensationnel, comme le monde n'en engendre que tous les dix,
vingt, trente, cinquante ans (entourer le nombre choisi), un
chanteur aujourd'hui incontournable dans le répertoire,
français, allemand, italien, verdien, wagnérien, puccinien
(rayer la ou les mentions inutiles), un latin lover « made in
Germany », dont la barbe brunie par Photoshop ne peut entamer
l'irrésistible pouvoir de séduction, une voix en or mais aussi
un homme et donc, comme tout homme, sujet à des coups de fatigue
(cf. ses récentes annulations) et à l'erreur (qui on le sait est
humaine).
A propos d'erreur, considérons à présent Dolce
Vita, son nouvel album, annoncé depuis plusieurs mois et attendu
avec une impatience proportionnelle à la durée de l'attente :
des chansons italiennes, passage obligé de tout ténor à succès
et répertoire injustement déconsidéré si l'on prend pour
postulat les propos de Stravinsky qui affirmait trouver plus de
musique dans « La donne è mobile » que dans tous les opéras de
Wagner. « Parla più piano » ou « Torna a Sorriento » partagent
avec l'aria la plus connue de Rigoletto une générosité mélodique
qui les rend immédiatement attachants, voire obsédants.
Examinons le programme de ce récital, d'où certains
incontournables du genre – « O sole mio » par exemple – ont été
écartés au profit de la variété dans ce qu'elle a de plus
bestial, au sens berliozien du terme – « Il libro dell'amore »
inutilement emprunté à Zucchero. Serait-ce afin de ratisser plus
large ? Siffler (à la fin de « Il libro dell'amore » justement)
n'est pas plus chanter que souffler n'est jouer.
Constatons une nouvelle fois l'intelligence scrupuleuse de
l'artiste qui aborde chacune de ces chansons différemment,
tentant à chaque fois de trouver la couleur et le ton capables
d'en refléter l'exacte humeur, comme s'il s'agissait de Lieder
schubertiens – sauf que Naples n'est pas en Autriche –, quitte à
rendre sa voix parfois méconnaissable et briser l'élan sincère
de partitions qui n'aiment rien tant que le naturel, telles ces
jeunes filles en fleur d'autant plus jolies qu'elles ne sont pas
apprêtées.
Répétons-le : ce timbre sombre aux accents
fauves n'est pas, selon nous, le mieux à même de refléter
l'implacable azur du ciel italien. Le chant dans ce qui
aujourd'hui fait sa force – le contraste saisissant entre fougue
virile et douceur romantique, entre métal ardent et velours
satiné, entre uppercut et caresse – ne trouve guère matière dans
ce répertoire à valoriser ses atouts. Au contraire... A quelques
exceptions près (« Core 'ngrato » en technicolor), Asher Fisch,
à la tête de l'Orchestra del Teatro Massimo di Palermo, observe
la prudence du touriste averti serrant via Toledo son
porte-monnaie dans la poche avant de sa veste. Si vous n'êtes
napolitains, passez votre chemin.
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