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Samuel Moreau
 
Mozart: La clemenza di Tito
EMI classics, 2007, 0946 3 77453 9 7
Avec Die Zauberflöte et le Requiem, La Clemenza di Tito est l'un des derniers ouvrages que compose Mozart à la fin de l'été 1791, pour fêter le sacre pragois de l'empereur Leopold II de Bavière. Si le sujet de cette commande n'est pas neuf - empruntée à l'Antiquité romaine, l'histoire du monarque à l'inébranlable magnanimité avait déjà inspiré Caldara, Hasse ou encore Gluck -, son choix apparaît comme un hommage idéal au style de gouvernement éclairé dont le futur roi de Bohème avait fait preuve en tant que grand-duc de Toscane. En collaboration avec le poète de cour Caterino Mazzolà, Mozart revoie le livret original de Métastase : on réduit le nombre d'actes et d'airs et on augmente les scènes à plusieurs, de même que la caractérisation des personnages. Lors de la création au Théâtre National de Prague, le 6 septembre 1791, l'accueil de la haute aristocratie se révèle glacial - l'impératrice aurait parlé de "porcheria tedesca !" / cochonnerie allemande ! -, mais le public bourgeois, profitant à son tour des représen-tations, s'enthousiasme. C'est aussi notre cas, à la découverte de cette production zurichoise, superbement filmée par Felix Breisach les 24 et 27 juin 2005.

Se méfiant des mises en scène historiques ou conceptuelles, Jonathan Miller a placé au centre du plateau une tour pivotante, mi-tour de guet, mi-palais qui reflète le caractère globalement public de l'action - loin des scènes domestiques de la trilogie Da Ponte. Autour de l'escalier en spirale qui s'y enroule, les protagonistes se succèdent, en costumes italiens des années 30. Les récitatifs secco - dont on sait qu'ils ne sont pas de la main de Mozart - ont fait place à des textes parlés qui gomment l'aspect guindé de l'opera seria et renforce le travail réaliste d'une direction d'acteur très précise. A cet égard, et malgré des plans malencontreux sur un visage grimaçant, signalons la performance de Vesselina Kasarova (Sesto), laquelle impose sa présence, livrant des nuances toujours liées à une intention dramatique, comme un affranchissement de la convention.

Ses partenaires ne déméritent pas. Eva Mei (Vitellia), à la technique irré- prochable, offre de nouveau à ses admirateurs des vocalises impeccables et évidentes. Jouissant du chant le plus homogène de la distribution, Liliana Nikiteanu (Annio) séduit par un timbre rond, une pâte très égale (le grave, en particulier). Malin Hartelius (Servilia) possède un legato d'une grande beauté. Du côté masculin, Jonas Kaufmann incarne Tito avec largesse, mais aussi agressivité dans le registre aigu ; avec le doute et le dilemme s'emparant du personnage, les nuances apparaissent alors. D'une couleur un peu terne, le Publio de Günther Groissböck s'avère plutôt fiable. Ajoutons à cela un chœur vaillant, la direction élégante autant que tonique de Franz Welser-Möst, et l'on aura convaincu le lecteur de la qualité générale de ce spectacle.






 
 
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